Bon, soyons franc, en plein été, on se sentirait plutôt d’humeur cœur grenadine à siroter en terrasse en attendant d’aller voir Souchon sur la scène de Fourvière, que de tacler je ne sais quel artiste en pleine reprise des activités culturelles… Et notre Benjamin Biolay national est bien un véritable musicien-artiste, self-made-man issu du Conservatoire d’ici, pour devenir un des plus beaux représentants de la pop française d’aujourd’hui, là. Mais il en a quand même convenu lui-même en se retirant de Twitter comme Lionel Jospin de la politique : parfois, il vaut mieux qu’il se taise. Beau gosse et boudeur, la mèche tombante et l’œil noir, les initiales de B.B. avaient commencé par un malentendu, celui d’un néo-Gainsbourg pour midinettes qui lui aussi faisait chanter les filles (Keren Ann, Juliette Gréco, Françoise Hardy ou feue Carla Bruni). La clope, l’alcool, l’humeur parfois maussade et le verbe volontiers dégueu dans les interviews avaient fini d’en faire un Gainsbourg à la petite semaine aux tourments préfabriqués par l’ambition de la jeunesse. Le style inoffensif et gentiment anglo-saxon de son premier opus, Rose Kennedy, en faisait le gendre idéal et poli au style par trop policé, avec des jeux de mots assez foireux en guise d’hommage : “à mesure que le temps passe, je mesure le temps qui passe, tandis que l’eau s’étend jusqu’à l’autre bout de l’étang”.

Caliméro de l’amour

Depuis, son art s’est effectivement étendu, boudeur devenu plus rockeur, moins poseur et plus direct, avec Négatif – sans doute son titre manifeste – et le succès de La Superbe. Son dernier Grand Prix au concept assez prétexte (il regardait la formule 1 quand il était petit…) survit une nouvelle fois davantage grâce à son talent de musicien que par la précarité des textes : “J’ai lâché le téléphone, comme ça, j’ai fait le bilan carbone, trois fois”. L’histoire ne dit pas si c’est au volant d’une Formule 1 ou de sa Marco Benz vintage, mais si la rengaine refrain de cet éternel Caliméro de l’amour nous accroche dans Comment est ta peine, on se dit que c’est comme avec la pop anglo-saxonne : il vaut mieux parfois, écouter d’une seule oreille, celle de la musique. Alors vivement qu’on le retrouve sur scène, c’est là qu’il est le meilleur. 

Benjamin Biolay (+ La Féline). Mardi 6 et mercredi 7 juillet à 21h30 aux Nuits de Fourvière, grand théâtre, Lyon 5e. 49 €. nuitsdefourviere.com

Arrangeur hors pair, Benjamin Biolay sera aussi en concert symphonique avec l’ONL à l’Auditorium, Lyon 3e, vendredi 18 et samedi 19 février 2022 à 20h à l’Auditorium, Lyon 3e. De 34 à 48 €. auditorium-lyon.com