Après L’Adversaire ou D’autres vies que la mienne, Emmanuel Carrère vient présenter V13, chronique judiciaire des attentats du 13 novembre à la librairie Passages à Lyon.

Dix mois d’audience pour l’histoire. Dix mois pour juger l’irréparable. Un « saut dans l’inconnu » pour Emmanuel Carrère qui s’est immergé dans le procès des attentats du vendredi 13 novembre 2015 (abrégé V13). Tout du long de ces audiences, l’écrivain a tenu une chronique pour l’Obs. C’est le récit qu’il livre ici, un peu retouché, dans un volume augmenté d’un tiers environ. Le résultat est une lecture passionnante qui parvient à restituer la charge émotionnelle des évènements.

Le procès du siècle


Selon certains il s’agit du « procès du siècle ». Tout semble pourtant avoir été dit, épluché,
exposé sur le sujet. Que dire de plus ? L’enjeu pour Emmanuel Carrère est de trouver la bonne distance, à la fois écrivain et journaliste, dans l’émotion, mais sans tomber dans le pathos. C’est en parvenant à atteindre cet équilibre qu’il restitue les récits des parties civiles: « ce ne sont pas des faits qui s’énumèrent et s’épuisent, mais des voix qui se déploient », confie-t-il. Le procès est surnommé le « paquebot V13 » à cause de la vague de documentation qui l’accompagne. L’auteur ne manque pas d’en exposer les enjeux judiciaires. Il le fait sans se perdre. C’est cette justesse qui lui permet d’embarquer le lecteur au plus près du réel.


Littérature du réel


Les parties consacrées aux victimes sont évidemment les plus touchantes. On pense au récit de Nadia Mondeguer, mère de Lamia tuée à la Belle équipe, Alice et Aristide, une sœur et un frère blessés sur la terrasse du Petit Cambodge. La lecture est souvent dure. Le beau et le laid avancent côte à côte. La résilience et le drame sont toujours en balance, l’un jamais capable de supplanter complètement l’autre.
En face des victimes, de l’autre côté de l’immense salle, le suspens est de savoir quel sera le comportement des accusés. Vont-ils parler ? Salah Abdeslam, l’unique survivant du commando, est là dans son polo blanc. Il alterne mutisme, politesse et provocation. L’auteur remonte le temps. Il nous fait sortir du tribunal de l’Île de la Cité pour remonter aux origines les plus lointaines des événements avec des questions métaphysiques : Est-il préférable d’être le père d’une victime ou d’un bourreau ?


Emmanuel Carrère, capable du meilleur comme du pire


Emmanuel Carrère est un habitué de l’exercice. Déjà dans son roman L’Adversaire, il promenait sa plume sur le banc des tribunaux. On appréhendait la lecture de celui-ci tant l’auteur de Yoga, Le Royaume ou encore Limonov est capable du meilleur comme du pire (parfois même dans le même roman). Heureusement, V13 est un excellent cru. L’auteur avance humblement et on échappe aux démonstrations nombrilistes qu’on lui connaît parfois. Plus dans la littérature du réel que dans l’autofiction.


Emmanuel Carrère sera à la librairie Passages, Lyon 2e, mercredi 21 septembre à 19h, puis à la librairie Vivement dimanche, Lyon 4e, jeudi 22 septembre à 9h pour un petit-déjeuner suivi d’une séance de dédicaces. Entrée libre dans la limite des places disponibles.

V13 d’Emmanuel Carrère chez P.O.L (22 €).