C’était un des grands spectacles de la dernière saison de théâtre qu’il nous avait été donnée de voir aux Célestins. Une “simple” histoire d’adultère (supposé) dans le milieu de la mode au temps des années 60 en Angleterre. Mais l’adultère est provoqué par une femme (Valérie Dashwood) et le couple central est gay (Mathieu Amalric aux cheveux fouillis, le critique plus âgé, et Micha Lescot en giton dégingandé snob et sexy). Seulement voilà, on est chez Pinter, et il suffit qu’un autre grand acteur patibulaire mais presque, Laurent Poitrenaux, ne vienne sonner chez Amalric, pour qu’un soupçon improbable ne vire au ballet à la sexualité trouble.

Les deux plateaux en un dans la mise en scène de Ludovic Lagarde.

Je est un autre qu’on ignore souvent chez Pinter, surtout quand on s’aime. La scénographie classieuse le dispute à l’humour de classe et un des plus grands quatuors d’acteurs actuels fait vivre les folles ambiguïtés d’un maître en théâtre psychologique. Ludovic Lagarde et surtout un grand monsieur de la mise en scène : non seulement il fait cohabiter deux appartements en deux espaces poreux sur le même plateau, mais il sait faire incarner le désir sous le vernis de la manipulation, d’un geste lubrique pour dire l’aversion du personnage de Micha Lescot pour l’hétérosexualité ou d’un mollet d’Amalric encore marqué par le porte-chaussette…

Mathieu Amalric et son giton Micha Lescot.

Chez Pinter, chaque mot trahit l’intention plutôt qu’il ne traduit la chose. Cette Collection haute-couture est d’autant plus savoureuse qu’elle annonçait en 1961 le chef-d’oeuvre de manipulation érotique à venir de Pinter, son scénario pour The Servant de Losey, avec Dirk Bogarde, cette fois au cinéma. Se faire manipuler par Mathieu Amalric dans le théâtre des sixties de Pinter, il y a pire comme plaisir domestique obligé, en attendant de pouvoir le revoir sur une scène…

La Collection de Harold Pinter. Mise en scène Ludovic Lagarde. Captation au théâtre du Châtelet disponible sur France.tv