Pour avoir une idée de de ce qui vous attend, il suffit parfois de mettre la main dans la panière. Si le pain est bon, c’est que quelqu’un y a porté attention. De là en découle, par syllogisme facile que ce sens du détail doit se retrouver dans la cuisine. Chez Balthaz’art, le pain est tellement remarquable que l’on a demandé l’adresse. Le boulanger est à 20 mètres. Il vient de s’installer et s’appelle Bonomia. Le pain au levain rappelle par sa texture de celui d’Antoinette (un de nos préférés). Mais si ce dernier brille par une belle acidité, le Bonomia est plus rond, porté par des saveurs de fruits secs. Scrat, l’écureuil obsessionnel du gland de L’Age de glace, devrait y retrouver des noisettes. Mais on n’est pas venu chez Balthaz’art pour manger du pain : le chef Frédéric d’Ambrosio vient de changer la décoration et fait évoluer la carte vers des horizons plus bistronomiques. Et là, c’est l’angoisse.

Ceviche, tartare ou carpaccio ?

Le fameux tartare à la mauresque, fidèle depuis 2007, est-il passé à la trappe en poussant un grand cri ? Il faut préciser que cet iconoclaste, assaisonné de câpres, citron confit, coriandre, olives noires etc. est une des meilleures déviances de la version officielle. Heureusement, il n’a pas été licencié. Personne n’ira d’ailleurs aux prudhommes, tout ce que nous avons extrait de la carte valait le détour. En entrée, le chef, décidément porté vers la perversion, propose un « ceviche de thon à la tahitienne ». Si la préparation ressemble plus à un tartare qu’à un ceviche et que l’on en rigole encore à Papeete, on peut quand même lui poser un collier de fleurs autour du cou. La pirogue de poivrons et oignons rouges, noix de cajou, ananas, mangue sur une marinade coco / banane pulsée de citron vert ne perd pas son balancier. Autre rencontre insolite. Celle d’un carpaccio de betteraves jaunes avec des fraises et une boule de burrata. Et ça marche ! L’assaisonnement (gingembre, échalote, vinaigre de framboise) fait le lien. L’épaule de porcelet confite une nuit aux épices, drame de l’insomnie et du somnambulisme, s’accorde avec du maïs en trois façons, petits épis snackés, polenta torréfiée et pop corn épicé (c’est autre chose que grignoter au ciné). Peau et couenne grillés en prime avec une sauce ketchup fumée maison pour l’ambiance barbecue. Parfait, bon moment, face à un décor inspiré d’une salon bourgeois avec son petit cabinet de curiosités : faux-ancêtres moustachus, collection de papillons et chauve-souris naturalisée, qui ne sont pas au menu. En revanche, il y a un plat végétarien ( miam les petits navets).

Balthaz’art. 7 rue des Pierres plantées, Lyon 1er. Ouvert du jeudi au samedi à midi, et du mardi au samedi le soir. Menus : 20 euros (jeudi et vendredi midi), 25 euros (samedi midi) et 37 euros (midi et soir). A la carte : Croq’Navet aux épices marocaines, merlu de ligne roulé à la soubressade, Parfait glacé au citron vert, fraises macérées à la fleur d’oranger etc. Côtes du Vivarais “Haute Vigne” 2019 de Galetty : 25 euros. Photo : Susie Waroude.