Il y avait la carte du soir sur le trottoir. Comme nous étions à l’heure du déjeuner, on n’a pas pu y goûter. Même si en ce moment, quand le jour se lève, on a l’impression qu’il est déjà en train de se coucher. En danse du ventre sur l’ardoise nocturne : une mousseline de poissons, de la moule et une mystérieuse « saveur fumée », un « retour de chasse », poil ou plume on ne sait pas, du chou, des « racines de légumes », dont on se doute bien que ce ne sont pas des patates, de la pomme… Et en dessert un mille-feuille de chocolat et chou-fleur. Ce dernier accord intrigue. Cela laisserait supposer que les autres intitulés sonnent peut-être beaucoup plus classiques que leur réalisation. On a vérifié notre intuition dans le menu déjeuner, qui lui aussi patientait sur le trottoir. Le haut du panier des menus à 24 euros – notez le tout de suite – proposait notamment, en entrée, une tartelette au chou, avec de l’échalote et du citron vert. Disposés sur une galette croustillante de format Krisprolls, on retrouve du chou blanc, mais aussi des feuilles pommelées de chou de Bruxelles, l’échalote en pétales, et autour de ce radeau assez médusant, le citron en petits monticules aux vertus explosives, placés comme des mines. Tout cela est présenté façon Grande maison.

Comment est votre blanquette ?

Il faut dire que le chef Maxime Pujol vient des cuisines de l’étoilé Jérémy Galvan (comme chef exécutif, pas à la plonge). Même constat, toujours pile dans la saison, avec une purée de topinambour moulinée au moteur de hors-bord jusqu’à l’effet blédine, adoucissant Cajoline intense, qu’on dirait rattrapée par la marée. Mais non : ce qui, de loin, pouvait passer pour des coquillages, sont des lamelles de radis noir artistement transformées en corolles, quelques noix de cajou, des petites pousses, que le chef sème partout mais à bon escient, et c’est délicieux. Les « petits menus » prouvent qu’il n’y a pas besoin de mettre le turbot pour la « pêche du jour », un simple filet de maquereau (breton, il faut préciser) d’une texture parfaite, pas gras, pas métallique ou amer comme peuvent l’être certains de ses congénères, habillé de foin brûlé, de poireau et de chou rouge de pomme, dépote. Même synthèse, même osmose, avec le plat intitulé « comment est votre blanquette ? » (clin d’œil à OSS 117) évidemment détournée avec du céleri et du citron fermenté. Les desserts, dépouillés mais pas nus, (ce jour là pavlova au kiwi et poire/tonka/caramel) sont remarquables. Les orphelins du Fleurie, auquel Bergamote succède, peuvent sécher leurs larmes. F.M.

Bergamote. 123, rue de Gerland, Lyon 8e. 04 78 72 64 32. Fermé samedi et dimanche, lundi et mardi soir. Formule : 21 euros (midi), Menus 24 euros (midi), 34 euros et 45 euros (soir). Photo : Susie Waroude.