Selon Céline (l’écrivain, pas la marque de chaussures) « l’Histoire ne repasse pas les plats ». On voit bien qu’il n’a pas récemment mangé chez Léon de Lyon. Cette institution, dont on apprend qu’elle a failli être remplacée par une supérette, catastrophe numéro 2 après la guerre d’Ukraine, a été crée en 1905 sous la forme d’une épicerie-comptoir. En 1913, elle devint un vrai restaurant sous l’égide du gros Léon Déan : d’où « Léon de Lyon ». Après plusieurs changements de propriétaires, marqué par les deux étoiles de Jean-Paul Lacombe et une belle cuisine bourgeoise à fort accent lyonnais, voici le joker : Laurent Gerra ! Le seul artiste au monde à imiter Michel Noir se lancerait-il dans le comique tripier ? (celle-là, elle est cadeau). Et bien non, c’est du sérieux. Laurent Gerra, qui a toujours revendiqué son appétit pour la cuisine classique, renoue avec l’histoire, épaulé par le groupe Bocuse. Si la bourgeoisie a des défauts (le port du Loden et le décès prématuré de Louis XVI (*) n’en furent que quelques manifestations notables), il faut avouer que la cuisine du même nom, pleine de beurre et de crème, mérite de survivre au XXIe siècle et au réchauffement climatique.

Laurent Gerra, Jean-Paul Lacombe et Clint Eastwood la main sur l'épaule à Léon de Lyon.
Laurent Gerra avec Jean-Paul Lacombe et un certain Clint Eastwood pour le festival Lumière en 2009.

Laurent Gerra nous accueille en personne !

Ainsi, une carte revendiquant un pot au feu de jarret de bœuf au foie gras, une volaille de Bresse à la crème d’Etrez (bressane aussi) aux morilles et au vin jaune (là on est dans le Jura), des escargots de Bourgogne confits en brioche ou un Parmentier de joue de bœuf au foie gras ne pouvait nous laisser insensible. Surprise ! Après avoir poussé la porte-tambour qui sied aux grandes maisons, on a été accueilli par Laurent Gerra en personne. Pour RTL, on le soupçonne de se faire remplacer sans le dire par Jérôme Commandeur (bien grimé). Passons sur le poulet aux morilles et le pâté croûte maison, parfaits, comme l’hiver sous une couette en plume doublée de cachemire, pour aborder le menu de la semaine, aussi simple que rondelet. Ainsi, la mousseline de potimarron (crème et vin jaune pour compenser l’excès de légumes) avait vraiment le petit truc en plus, qui fait qu’un chef est meilleur qu’un autre (celui-ci s’appelle Patrice Gaspard, et il sait y faire comme on dit à Lyon). Délicieux aussi, une échine de cochon (paf, quatre tranches) et une purée qui a la patate, suivi par une trop éphémère « pâtisserie du jour » : mousse au chocolat caramel, pistaches (repaf : une poignée !) écume de lait vanillé . Il faut vraiment la garder et la mettre en gros sur la carte. On y retournera pour le filet de bœuf Wellington sauce porto (attente 25 minutes).

Léon de Lyon. 12 rue Pléney, Lyon 1er. 04 72 10 11 12. Fermé samedi et dimanche. Formule  : 30 euros. Menus : 35 euros (menu de la semaine), 50 euros (menu Célestine) et 70 euros (menu Olympia). On conseille le Moulin à Vent « Laurent Gerra », dans le haut de la cave des « vins de stars » : 50 euros.


(*) On accuse aussi souvent le « Peuple », mais il a bon dos.