Il était prévu d’évoquer ce nouveau bistrot un peu plus en amont, mais la force du destin, comme l’an­ti­ci­pait Giuseppe Verdi, en a voulu autre­ment. En effet, le jour où nous envi­sa­gions de déjeu­ner paisi­ble­ment, un pan de la façade s’était abattu sur les cuisines, simple­ment proté­gées par une verrière. Aujourd’­hui, le reste du revê­te­ment de la façade, soit trois tonnes de gravats, a été pelé et évacué mettant le mur de l’im­meuble à nu, à la limite de l’at­ten­tat à la pudeur. Cette catas­trophe surna­tu­relle (surve­nue rue… des Maccha­bées) ne nous a pas fait renon­cer à l’as­cen­sion jusqu’à Saint-Just.

De Saint-Jean à Saint-Just, du Cosy Corner au Rétro Bistro

Car nous connais­sions en bien Isabelle et Laurence, il y a peu, au Cosy corner à Saint-Jean. Elles ont aban­donné leurs burgers, pour­tant excel­lents, mais ont gardé le chef Juan. De fait, le bon esprit qui consiste à trans­for­mer le prin­cipe de menu du jour en petite chasse aux bonnes idées perdure. Une mousse de foie de volaille aux oignons rouges confits ne semble pas spécia­le­ment origi­nale au départ. Mais ce foie-là, comme centri­fugé dans l’ISS, se distingue par une texture à la fois onctueuse et émul­sion­née, expur­gée de toute sensa­tion de granu­leux. Une fine lamelle de pain craquante, une rondelle de radis noir, un brin de persil s’en­tendent pour les détails.

Photos : Pierre Ferran­dis / Exit Mag.

Rétro Bistro à 23 €, menu au rapport qualité-prix imbat­table

Les beignets de pois­sons et crus­ta­cés, sortes d’acras fouet­tés au céleri branche étaient aussi très réus­sis. La diffé­rence avec ce qu’on réper­to­rie habi­tuel­le­ment dans le registre des plats de bistrot clas­siques tient à un goût judi­cieux des détails. Le jarret de porce­let est braisé dans du gros manseng, un cépage utilisé pour certains vins liquo­reux comme le jurançon. Fondant (sans parler de sa couenne au sommet de l’hy­per­laxe), il est posé sur un lit de lentilles noires et surmonté d’une lamelle de bette­rave rouge telle­ment fine qu’elle est présen­tée chif­fon­née comme une boulette de papier.

On sent le boulot, le sens de l’ar­ti­sa­nat, le gars qui chan­tourne. Fran­che­ment, dans un menu à 23 euros, d’autres se seraient limi­tés au filet de dorade grise et quelques légumes, mais en extra-bonus il y a un encor­net farci, lui-même ceint d’une feuille de chou, le tout baigné d’une sauce écre­visse. Ne parlons pas du crois­sant perdu, excellent, il vaut mieux retour­ner dans ce café de quar­tier, même si on n’est pas du quar­tier. Le ciel ne vous tombera pas sur la tête, c’est déjà fait.

Rétro Bistro. 1 rue des Maccha­bées, Lyon 5e (Saint-Just). Fermé dimanche. 09 54 30 47 58. Formule : 18, 50 € (midi). Menu : 23 € (midi). Soir : tapas, grignote apéri­tive, jusqu’à 21 h. Verre de Char­don­nay, Pays d’Oc, Domaine Preignes : 3, 50 €.