Il ne reste que quelques jours pour en profi­ter. Jusqu’à fin avril… Éven­tuel­le­ment jusqu’à la mi-mai. Katsumi Ishida, un des cuisi­niers les plus atypique et formi­dable de Lyon retourne défi­ni­ti­ve­ment à Tokyo. Il va falloir malheu­reu­se­ment conser­ver à clé dans un coin de sa mémoire ce qu’on ne retrou­vera plus au bout de sa four­chette : ses asso­cia­tions poulpe et joue de porc, sa salade de filets de maque­reaux poêlés au vinaigre de fram­boise, ses tita­nesques côtes de porc aux moules, bulots et escar­gots, son maigre (le pois­son, lui est plutôt du genre massif) courges spaghetti à l’émul­sion d’our­sin.

Katsumi Ishida, de Lyon 7 à Tokyo

Katsumi Ishida, en lévi­ta­tion dans sa cuisine. (OC, photo d’illus­tra­tion)

En mets fait ce qu’il te plaît fut le premier restau­rant bistro­no­mique de Lyon, alors que la notion était à peine défri­chée à la pioche par quelques pari­siens lassés des manières et des nappes à rallonge des restau­rants gastro­no­miques (Yves Cande­borde, Pascal Barbot). On n’en parle­rait peut-être pas aujourd’­hui si le jeune Katsumi n’avait reçu un éclair de grâce, tel Paul Clau­del derrière un pilier de Notre Dame de Paris, en rencon­trant Alain Chapel.

En mets d’Alain Chapel, fais ce qu’il te plaît

« J’étais amou­reux de la cuisine d’Alain Chapel, de son intel­li­gence. Je l’avais rencon­tré au Japon en 1981, je ne parlais pas français, pour moi c’était Dieu en personne. Je lisais ses recettes, et je voulais tout comprendre des bases de la cuisine française. Je voulais décou­vrir le pain, sa fabri­ca­tion, même chose pour le fromage, le vin, je voulais rencon­trer des vigne­rons  » confiait-il à France Info bluffé par son saumon mi-cuit aux agrumes.

J’étais amou­reux de la cuisine d’Alain Chapel de son intel­li­gence. Pour moi, c’était Dieu en personne.

Katsumi Ishida

Arrivé en terre promise, il rencontre Marcel Lapierre et son morgon précur­seur des vins natu­rels. En 1999, il ouvre son restau­rant à la façade de chalet savoyard dans les confins obscurs d’un septième arron­dis­se­ment aujourd’­hui gentri­fié. La magie était toujours là lors de notre dernier repas. La première salle peut rebu­ter. Elle reste irré­mé­dia­ble­ment un impro­bable bric à brac d’objets divers et bordé­li­sés. Il ne manque que le fil d’éten­dage, quant au plumeau fiché dans un vase, il n’a proba­ble­ment jamais servi.

Cuisine japo­naise et préci­sion

Mais « on n’est pas là pour manger les rideaux » disait le gastro­nome Curnonsky. La salade de rouget aux agrumes pelés à vif (orange, citron, kumquat, pomelo) est un modèle de cuis­son. Le cliché « Japon et préci­sion  » se véri­fie, comme dans la nacre du turbot à la tomate séchée et à l’ar­ti­chaut, humecté d’une remarquable vinai­grette safra­née. La caille et la crème d’ail semblent avoir été conçus l’un pour l’autre. Le service mini­mum (presque Bernardo dans Zorro) de sa femme Kim laisse toute sa place à de très beaux plats déjà tein­tés de nostal­gie.

En mets, fais ce qu’il te plaît. 43 rue Chevreul, Lyon 7e. 04 78 72 46 58. Fermé samedi midi, dimanche, et mardi soir. Menu : 35 € (midi). Atten­tion, plusieurs plats sont tari­fai­re­ment body­buil­dés par des supplé­ments. 45 et 58 € (soir). Vins entre 56 et 120 €. Très joli Saint-Chinian de Ugot Lestrelle : 58 €.