De l’extérieur, ce tout nouveau restaurant évoque un petit bar/lobby d’hôtel chic. La réalité est cachée derrière. Les deux salles, à la décoration épurée, forment un espace immense, qu’on pensait impossible rue Tronchet. Le propriétaire, Jean Gaultier, a réussi le tour de force de réunir trois surfaces dépendant de trois co-propriétés (le synonyme immobilier de sac de nœuds).

On se doute qu’un tel tempérament, nécessairement plein d’un feu intérieur, se retrouve en cuisine. Et en effet, au coeur de l’établissement brûle un barbecue géant, qui sert de grill, de four à bois et accessoirement de spectacle permanent. Avec des roues, on en ferait une locomotive. C’est par là que passent des côtes de bœuf, des volailles rôties sur coffre, des bars de ligne entiers et même les légumes (dont des petites pommes de terre mitraille qui ont la patate).

Si bien que de nombreux plats délivrent une atmosphère fumée qui devait être le quotidien des grottes préhistoriques. Sauf qu’à l’époque, on exposait plutôt des mammouths sur les murs plutôt que des monochromes inspirés de Pierre Soulages.

Côte de boeuf dans le barbecue de Déméter à Lyon 6e.

Cave bien garnie

C’est le moment de caser le terme empyreumatique qu’on nous a défié d’employer dans cette rubrique. Ce mot, usité dans le vocabulaire des sommeliers, évoque des notes toastées, grillées, fumées, qui se marient comme l’allumette au petit bois à ce parti pris judicieusement radical.

Ainsi, notre filet d’agneau rosé et ses panoufles (partie du ventre de l’animal, grassouille et croquante) semblait avoir croisé un feu de camp, mais sans déclencher l’alarme anti-fumée, comme le poulet et ses champignons, un puissant velouté de carottes, carottes grillées et feta rôtie où une écume de beurre fumée surmontant des tagliatelles.

Jonathan Alvarez dans son restaurant Déméter à Lyon 6 autour d'une table.
Jonathan Alvarez en son domaine. (photo Tom Augendre)

Évidemment, on ne mange pas assis au bord d’un volcan. On a aussi pris un vrai bain de mer avec de superbes huîtres/ granité de citron, et un brin de campagne avec des charcuteries ardéchoises. Le chef Jonathan Alvarez, qui est un bon (ex Arsène, ex Solal) s’efface derrière le (beau) produit, soignant les sauces, les jus, les assaisonnements et la précision des cuissons.

Le service, très en avant, est parfois un peu trop présent (trop envie de raconter les plats et de savoir si ça vous a plu), mais il vise le haut de gamme tout en restant sympa. On a aimé cette rencontre entre Déméter, déesse des moissons et de la saisonnalité, Héphaïstos le dieu du feu, et Dionysos incarné par Jordan Crozier, sommelier passé chez les étoilés (dont Jérémie Galvan), à la cave fouillée et bien garnie.

Déméter. 56 rue Tronchet, Lyon 6e. 04 81 91 15 86. Fermé dimanche et lundi. Formule : 26 euros (midi). Menu : 32 euros (midi). Carte (midi et soir) : compter entre 55 et 70 euros.