Cette brasserie n’est pas vraiment une poularde de l’année. La brasserie Le Nord a été créée en 1907, l’année où la Belgique annexait le Congo, quelques dizaines d’années après la mythique brasserie Georges. Elle fut longtemps étoilée et rendez-vous notoire d’artistes peintres de l’entre-deux-guerres. Paul Bocuse y a travaillé dans les années 70, tandis que Collonges était fermé pour l’hiver. Il l’a achetée en 1994. Là, commença la saga des « Brasseries Bocuse ».

Réouverture après travaux

Mais comme toutes les vénérables antiquités, il vaut mieux éviter la brocante. De fait, après plusieurs mois de travaux, l’institution Bocuse a rouvert. Rénovée, toilettée. L’équation complexe d’une telle institution est de rajeunir sa clientèle tout en évitant de faire fuir le fond de sauce des anciens. On ne leur conseille pas de rejoindre le nouveau grand bar équipé de tabourets, sur lequel on peut se restaurer. C’est périlleux. La cuisine est désormais ouverte en version panoramique.

La brasserie Bocuse se met à la flammekueche !

Signalons le retour de la broche, une bonne obsession bocusienne. L’ambiance générale reste cossue, la nouvelle moquette des salons de l’étage rappelle quelque vieux casino américain. Roulez jeunesse : d’insolites flammekueches, les pizzas alsaciennes, rejoignent la carte. Étonnamment, alors que ce n’est pas vraiment le style d’une maison à base de tête de veau, soupe à l’oignon, rognons au madère, saucisson brioché et choucroutes obèses, elles sont particulièrement réussies, fines et croustillantes. On notera aussi la présence d’un « fish&chips », en réalité une carpe panée, excellent, comme son débordant bol de frites allumettes.

Bocuse ne perd pas le Nord de la tradition

On a particulièrement aimé le confort gilet-cravate des vol-au-vent de Saint-Jacques. Une machine à remonter le temps que l’on termine en vidant la panière. Bonne pioche encore que les bréchets de poulets vraiment dodus, traités façon grenouilles, une judicieuse invention bressanne des années 70 qui ne lésine pas sur le beurre. On aurait préféré, cependant, une sauce un peu plus nappante pour une blanquette plus fréquentable que notable. On suggère l’impasse sur le pâté-croûte au canard. L’appareil est bonnard, mais la croûte est molle, ce qui reste impardonnable pour une tranchette à 19 €.

On craque toujours sur les desserts « brasserie Bocuse » : gaufre, baba au rhum et spectacle pyrotechnique des crêpes Suzette. Pour rajeunir la clientèle, il serait peut être temps de reconsidérer une carte des vins assez touristique, maraboutée par Duboeuf et Chapoutier. Vu les prix, autant l’aiguiser. On a apprécié ce « changement dans la continuité », même si l’addition n’est pas le meilleur moment du repas.

Brasserie Le Nord. 18 rue Neuve, Lyon 2e. 04 72 10 69 69. Ouvert tous les jours midi et soir. Plat du jour : 21, 50 €. (dans un semainier qui consacre, en pure tradition, le vendredi au poisson et le dimanche au poulet). Menu lyonnais : 44 €. Menu tradition : 54 €. Carte : compter entre 40 et 80 €. Verre de Brouilly (Romain Jambon) : 8,50 €.

Photos : Justine Nerini.

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