Jamais au cours de notre existence, qui a pourtant dépassé le demi-siècle, nous n’avions mangé un pavé de thon de cette taille. Question dimensions, imaginez-vous en train de déchausser un pavé du Vieux Lyon. Le thon rouge (oui, on a le droit, mais il y a des quotas) était juste rapidement snacké à la plancha, comme s’il s’était fait mordre par un requin. De fait, l’extérieur forme une légère croûte tandis que l’intérieur est bleu, un mot gentil et pudique pour dire carrément cru. Inutile de rajouter du citron, ou d’autres ingrédients vains ou même parasites. L’objet se suffit à lui-même, juste escorté de blettes fondantes, pour dire qu’on mange des légumes. L’impression générale se rapproche du contact que l’on peut avoir avec une côte de bœuf : ferme et fondant, juteux. Ce qui correspond à la démarche d’Ismaël Adam Drissi-Bakhkhat, que tout le monde appelle tout simplement « Ismaë » pour des raisons mnémotechniques. Il considère que le poisson peut être travaillé comme les produits de boucherie « dans un imaginaire viandard », généreux, traité à l’essentiel (quand même un peu de beurre avec la raie), ou comme une charcuterie, en saucisses (saumon farci au cabillaud et au thon), rillettes etc. Noé est un projet à bras multiples autour du poisson, ce qui devrait parler aux poulpes.

Viande de la mer

Tout d’abord, c’est une nouvelle poissonnerie bientôt équipée d’un vivier grand comme une piscine, en lien direct avec différents ports de pêche des côtes atlantiques et méditerranéennes, pêche durable de petits bateaux et loups de mer en ciré jaune. Ensuite une conserverie : Douchka, épouse d’Ismaël, multiplie les bocaux originaux, macère les condiments aussi bien que les foies de lotte, pratique toutes les subtilités de la lacto-fermentation, que l’on peut d’ailleurs demander en entrée. Enfin, les soirs de fin de semaine, c’est donc resto, en terrasse, 24 individus maximum, et pas à cause de la Covid. Outre les poissons cuisinés, vendus au poids – thon rouge, chapon, barbue, turbotin, merlu, sardine, coquillages etc. en fonction des saisons –, l’ardoise peut aussi bien proposer un ceviche d’espadon (plus européen consensuel que péruvien piquant dans la nage) que d’excellentes boulettes de sardines. François Mailhes

Noé, atelier de la mer. 22 quai Augagneur, Lyon 3e. 09 81 44 28 65. Voir le Facebook Noé.

Restaurant ouvert du mercredi au samedi soir. Poissons entre 20 et 50 € le kilo. Ceviche d’espadon : 14 €.

Poissonnerie ouverte de 9h à 12h du mardi au samedi et de 16h à 19h du jeudi au samedi. Dim de 8h à 13h. Fermé le lundi.