Série B. Avec Mission impossible (1996), De Palma sonnait l’avènement du thriller hollywoodien post-moderne, intégrant pour la première fois les écrans multiples au cœur de la narration, biena vant le téléphone protable… Dix ans plus tard avec Redacted, il mettait en scène des scènes de guerre de propagande ou des fake news à partir de vidéos tirées du web, problématisant le sujet politique le plus brûlant d’aujourd’hui : la représentation des images terroristes et la manipulation souvent délétère qui en découle. Avec Domino, il offre une sorte de suite à Redacted en forme de thriller-comédie, s’amusant à mettre en abîme la violence pour mieux s’en moquer. Car comme toujours, De Palma se plaît à mélanger les genres (y compris une histoire d’amour surprise au cœur du récit), créer des chausses-trappes avec un plaisir jouissif de narration pure. Soit un duo de flics lambda se retrouvant à la poursuite d’un islamiste une nuit à Copenhague au prétexte d’une banale scène de dispute conjugale. L’islamiste est incarné par le physique impressionnant d’Erik Ebouaney (enfin un premier rôle noir au cinéma digne de ce nom), qui va bientôt se dédoubler à la faveur d’un rasage de crâne pour mieux se dissimuler… Le « domino » continue : De Palma s’amuse à axer son récit autour de celui qui va en quitter au bout de dix minutes (on vous laisse le découvrir) et ne renonce à rien malgré le budget dérisoire de cette série B assumée : poursuite vertigineuse sur les toits, espionnage et infiltration de la CIA (Guy Pearce en coquet magnifique), et géopolitique de Bruxelles à Almeria. Mais surtout, sous une apparente nonchalance, il retrouve le meilleur de sa veine politique : on aura rarement vu un cinéaste aussi conscient des enjeux de la représentation du terrorisme islamiste et en même temps aussi désinvolte pour s’en moquer littéralement dans un attentat au drone au-dessus des arènes de corrida. La fiction a tous les pouvoirs chez de Palma et il ne se laisse jamais contaminé par le moindre esprit de sérieux. Un film mineur et jouissif, qui nécessite sans doute d’être déjà un peu familier de son cinéma pour être apprécié à sa juste valeur, porté par le superbe partition de son fidèle Pino Donaggio… jusqu’à une séquence d’attentat au boléro dont on vous laissera goûter la pirouette finale. Un bon film du samedi soir, en même temps qu’un geste de cinéma digne d’un grand cinéaste.

Domino de Brian De Palma (EU, 1h29) avec Nikolaj Coster-Waldau, Erik Ebouaney, Soren Malling, Carice Van Houten, Guy Pearce… Disponible sur MyCanal, ou en Vod chez Orange ou MyTF1.

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