Aste­roid City incarne parfai­te­ment la quin­tes­sence du style Wes Ander­son avec toutes ses carac­té­ris­tiques habi­tuelles, comme un récit à niveaux (on regarde un film sur une émis­sion télé­vi­sée sur une pièce dans une pièce), des prises de vue en diorama et la présence de ses acteurs fétiches comme Tilda Swin­ton ou Adrien Brody. Après avoir lancé le récit en plusieurs actes, le réali­sa­teur pivote à 360° pour nous dévoi­ler le décor pastel d’Aste­roid City, une petite ville déser­tique marquée par un cratère de météo­rite (d’où le titre du film), entre deux cham­pi­gnons atomiques provoqués par des essais nucléaires voisins.

Ce petit monde est peuplé de person­nages mémo­rables comme Augie Steen­beck (Jason Schwartz­man), un photo­graphe de guerre en deuil atten­dant le moment idéal pour dire à ses quatre jeunes enfants que leur mère vient de mourir… Comme tout héros de Wes Ander­son digne de ce nom, Augie espère simple­ment dépas­ser son chagrin et ses doutes dans l’es­poir que la suite se révé­lera avec la même magie que les photo­gra­phies qu’il déve­loppe dans sa chambre noire porta­tive. Parmi les nombreuses autres person­na­li­tés de la ville on trouve égale­ment Midge Camp­bell, star de cinéma à mi-chemin entre Eliza­beth Taylor et Mary­line Monroe inter­pré­tée par Scar­lett Johans­son, Matt Dillon en méca­ni­cien impas­sible ou encore Steve Carrell en gérant d’hô­tel servia­ble…

Scar­lett Johans­son, Tom Hanks, Steve Carrell, Matt Dillon, Tilda Swin­ton, un casting d’ex­cep­tion

Tous les films d’Ander­son sont basés sur la tension entre l’ordre et le chaos, l’in­cer­ti­tude et le doute. Aste­roid City est le premier à prendre cette tension comme sujet, expri­mant souvent cela à travers la fric­tion créée par les diffé­rents niveaux de non-réalité. Ici, les nombreuses personnes que nous rencon­trons sont égale­ment acteur.ices dans une produc­tion télé­vi­sée d’une pièce de théâtre du même nom. Il faut un certain temps pour comprendre ce que fait Ander­son avec cette nouvelle super­po­si­tion auto-réflexive, mais comme à son habi­tude, il parvient à trou­ver un équi­libre entre ces forces contra­dic­toires, notam­ment grâce à la magni­fique incar­na­tion des comé­diens.

Après l’hom­mage aux dessins du New Yorker dans The French Dispatch, voici le théâtre et le désert du deuil. Les cartons de titre, les chapitres et les pièces dans les pièces reflètent toujours plus les insé­cu­ri­tés de person­nages hyper-struc­tu­rés mais trop fragiles pour affron­ter le désordre de la vie. Malgré sa mise à distance des émotions à force de décou­pages au cordeau, le film se révèle in fine être l’une des œuvres les plus subtiles et radi­cales sur le chagrin et le deuil dans la filmo­gra­phie du réali­sa­teur.

Aste­roid City de Wes Ander­son (EU, 1h46) avec Jason Schwartz­man, Scar­lett Johans­son, Tom Hanks, Liev Schrie­ber, Tilda Swin­ton, Steve Carrell, Willem Dafoe… Sortie le 21 Juin.