C’est sans doute pour avoir eu du succès très tôt que Guillaume Canet a toujours eu mauvaise presse. ça ne s’arrange pas avec son nouveau film, Lui, et pour cause… Pourtant, si on prend le temps de regarder sa filmo, il s’agit bien d’un acteur et réalisateur assez inclassable et franchement intéressant. Révélé comme comédien dans un premier film zarbi avec Jean Rochefort (Barracuda) puis chez Patrice Chéreau (l’auto-stoppeur de Ceux qui m’aiment prendront le train), il n’a jamais hésité à se mettre à nu aussi bien dans des films audacieux comme La Fidélité d’Andrew Zulawski (avec Sophie Marceau) que dans des rôles sombres de grands dépressifs comme celui du gendarme-tueur de La prochaine fois je viserai le coeur, ou dans Au nom de la terre (lire notre critique), portrait d’un agriculteur accablé comme on n’en voyait peu encore alors en France. Côté réal, son premier film avec François Berléand, Mon idole, signait une comédie cathodique assez originale, avant que Ne le dis à personne ne couronne un thriller à la française comme on n’en voyait plus et le lance définitivement.

Mauvaise conscience et meilleur ennemi

Bref, Canet est un bon gars, même si on a bien compris depuis le triomphe des Petits mouchoirs qu’il était son meilleur ennemi et que son succès n’allait pas sans mauvaise conscience. C’est précisément le sujet de son dernier film, Lui, où l’on retrouve un instant les scènes de vraie-fausse simplicité au bord de l’eau avec que des gars ben ordinaires mais tous bien plus moches que lui (au secours)…

A Belle-Île en espadrilles

Un artiste se retire sur Belle-Île en espadrilles, en pleine crise d’inspiration et en pleine crise de couple, après 14 ans de vie commune (tiens, tiens, ça fait aussi 14 ans que Guillaume Canet et Marion Cotillard sont ensemble, ça doit être un hasard). En pleine crise, donc… Mais rapidement, sa femme, sa maîtresse, ses amis et ses emmerdes viennent le rejoindre (dans sa tête, mais à l’écran). C’est bien la plus mauvaise idée de cette auto-fiction de confinement : une auto-psychanalyse de bazar façon Bertrand Blier au petit pied, en se mettant « lui »-même en abîme en permanence : à poil au lit entre sa femme et son meilleur ami (Mathieu Kassovitz, hilare) pour savoir s’il est vraiment « tordu », ou à discuter du mieux-disant sexuel entre sa femme (Virginie Efira, toujours parfaite) et sa maîtresse (Laetitia Casta, la madame spéciale liaison du cinéma français, toujours très belle). Rapidement, on s’en fout, surtout lorsqu’il ajoute le thème de la maison hantée louée « au fils de la folle« …

Guillaume Canet aime beaucoup être bien entouré au lit, avec ou sans Mathieu Kassovitz…

Heureusement, Canet a trop de comptes à régler avec « le connard qui est en lui » et qui ne le lâche pas d’une semelle (d’espadrilles bien sûr), pour vouloir tenter, en plus de tout le reste, un slasher à la Psychose. C’est déjà ça, même s’il ne nous épargne pas un peu de sang pour nous montrer à quel point il souffre, le couteau dans le coeur… Voilà qui ne sauve pas un film qui rate à peu près tout ce qu’il tente (Canet filmé par Canet et parlant à Canet dans le même plan, sans le moindre humour, il fallait oser), mais qui a au moins le mérite de ne ressembler à rien. Certes, c’est aussi limite. Gageons qu’il relance bientôt d’autre manière une filmographie décidément énigmatique…

Lui de et avec Guillaume Canet (Fr, 1h28) avec aussi Guillaume Canet (en double), Virginie Efira, Laetitia Casta, Mathieu Kassovitz, Nathalie Baye, Patrick Chesnais, Gilles Cohen… Sortie le 27 octobre.