2h20 pour un mariage raté à Las Vegas, c’est tout de même un peu long… Voici donc un gamin, fils d’oligarque russe hyper friqué qui va se marier avec une strip-teaseuse travailleuse du sexe, Anora. On nous a vendu le gamin, Mark Eydelshteyn, comme le nouveau « Timothée Chalamet russe » à Cannes. On se retrouve avec une crevette au teint d’endive qui passe son temps sur ses canapés géants à s’agiter frénétique sur la console de ses jeux vidéo. Et Sean Baker en passe du temps sur les canapés, dans de longs plans séquences qui n’ont pas toujours grand-chose à nous raconter, que ce soit pour les jeux vidéo, ou la culbute, façon petits coups de lapin.

Anora, Palme d’or ricanante assez laborieuse

On voit tout venir dans cette satire assez laborieuse qui reprend tous les thèmes ou presque de Sans Filtre de Ruben Östlund, déjà Palme d’or : les oligarques russes (ici version fiston et parents), la satire-fascination pour les ultra-riches, le sexe comme consommation, l’ambivalence envers ses personnages – un peu benêts mais pas trop – et l’étirement interminable d’un scénario qui tiendrait sur un simple badge de jet privé. Après le mariage qui prend une heure, son annulation en prendra une autre, en cherchant Ivan la crevette russe partout à travers la ville…

Un superbe portrait de femme combative

Mikey Madison, la révélation d’Anora.

Pourtant, s’il échoue à être crédible (il n’évoque même pas la guerre en Ukraine), Anora reste le magnifique portrait d’une femme combative, avec les seules armes dont elle dispose, à savoir avant tout sa volonté, et son corps. De ce point de vue là, Anora prolonge les thèmes des précédents films de Sean Baker, avec un propos d’émancipation auquel on ne peut que souscrire.

Reste que sa sentimentalité assez niaise (on voit tout de suite venir sa prochaine histoire d’amour) vient bizarrement compenser un film assez poseur, dont le format – plus cher et plus long que les films précédents de Sean Baker – semble avant tout destiné à en faire un « film à festival« . Jusqu’à sa scène finale, très belle, qui crée une rupture dramatique avec la satire assez grasse qui se sera déroulée auparavant, pour nous plonger dans les larmes de son héroïne. Ça a marché : Anora a eu la Palme d’or.

Tant mieux pour la faisabilité des prochains films de Baker. Tant mieux pour la révélation de Mikey Madison, actrice de caractère et de tous les plans, juste comme la plupart des seconds rôles. Même si Anora ressemble davantage à un film de faiseur intelligent qu’à un grand film personnel.

Anora de Sean Baker (EU, 2h19) avec Mikey Madison, Mark Eydelshteyn, Vache Tovmasyan, Yuriy Borisov… Sortie le 30 octobre.

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