L’argument n’intervient qu’au bout d’une demi-heure de film : la femme d’un mari jaloux disparaît le temps d’un numéro de magie. Alors que tout ce petit monde costumé de la Belle époque s’ennuie poliment comme on l’a déjà vu cent fois, Noémie Lvovsky a choisi de les faire chanter sur une musique synthétique anachronique façon Bontempi, dans laquelle on a du mal à reconnaître la patte de Feu Chatterton ! et Arnaud Rebotini, à moins qu’ils ne soient jamais sortis de confinement depuis 3 ans…

Podalydès costume gris, Laurent Stocker manteau noir et Sergi Lopez torse nu et bretelles devant des gendarmes en képi.
Denis Podalydès, Laurent Stocker et Sergi Lopez.

D’une simple pièce de théâtre d’Eduardo de Philippo (de 1948), Noémie Lvovsky a voulu faire une « vraie-fausse » comédie musicale dans les années 20, dans laquelle « ça danse et ça chante », mais – selon ses propres termes – sans savoir chanter ni danser… C’est beau la fragilité dans le cinéma français…

Comble d’ironie, la seule à savoir chanter, Judith Chemla (qu’on retrouvera bientôt en Mélisande à l’Opéra de Lyon), joue justement la femme qui disparaît, c’est ballot…

Denis Podalydès danse au bord de l'eau dans La Grande Magie.
Denis Podalydès en roue libre.

La Grande Magie, une comédie musicale irregardable

S’en suit un folklore de maladresses volontaires comme les aime l’art et essai bien de chez nous, un hommage au cinéma et à la musique de loin, qui ne prend jamais corps, et dont les talents, nombreux, restent à l’état superficiel sans jamais imprimer la pellicule.

Le beau thème du doute amoureux (Charles Moufflet vraiment que sa femme revienne ?), toujours formidablement interprété par Denis Podalydès, se noie dans les tautologies artistiques entre spectacle et réalité, illusion et vérité… Rien n’existe et tout existe à la fois et réciproquement…

Que d’acteurs pour un naufrage…

Tout se passe comme si Noémie Lvovsky la réalisatrice faisait trop confiance à l’actrice extraordinaire qu’elle est, en se contentant de filmer la ribambelle d’acteurs costumés qu’elle aime (mention spéciale à Micha Lescot en directeur d’hôtel).

Elle était d’ailleurs magnifique dans L’Envol, beau film de Pietro Marcello avec Juliette Jouan et Louis Garrel passé inaperçu en début d’année : situé à la même époque, le réalisateur italien y convoquait le chant au milieu des costumes avec une autre originalité, pour faire s’émanciper son héroïne. Avec une autre originalité, et la musique de Gabriel Yared

La Grande Magie de et avec Noémie Lvovsky (Fr, 1h50) avec Denis Podalydès, Sergi Lopez (très mauvais), François Morel, Damien Bonnard, Rebecca Marder, Laurent Stocker, Judith Chemla, Philippe Duclos, Dominique Valadié, Catherine Hiegel, Laurent Poitrenaux… Sortie le 8 février. Désormais disponible sur Canal Plus.

Noémie Lvovsky souriante derrière ses lunettes dans La Grande Magie.
Noémie Lvovsky, formidable actrice…