Du scan­dale d’une femme mûre s’unis­sant avec un garçon de 13 ans, il ne sera pratique­ment jamais ques­tion. Todd Haynes évacue la ques­tion au coin d’une vieille photo d’un tabloïd en début de film. Il choi­sit de situer son film 24 ans plus tard, quand tout le monde s’en­nuie comme un vieux couple, comme pour ne pas y toucher.

Ne restent alors que des temps morts, des conver­sa­tions amorphes au lit, sur le canapé ou (folie !) sur le toit, pour procé­der par allu­sions et circon­vo­lu­tions. A la première crise de larmes de Julianne Moore quand son jeune amant sent un peu trop la fumée, on a commencé de s’inquié­ter. A la deuxième, encore plus drama­tique, parce qu’une amie ne veut plus de ses tartes aux myrtilles (véri­dique), là, on s’est vrai­ment demandé où on était tombé. En vain.

May December
Le maquillage, le passe-temps préféré des héroïnes de Todd Haynes.

Julianne Moore et Nata­lie Port­man, face-à-face déce­vant

Il y a donc la blonde, « naïve » de Géor­gie toujours à fleur de peau (Julianne Moore, donc). Et il y a la brune, « éner­gu­mène » de Holly­wood, on ne peut plus super­fi­cielle, censée l’in­ter­pré­ter dans un prochain film (Nata­lie Port­man, à l’ori­gine de ce film de commande). Les deux sont liftées et passent leur temps à se maquiller devant la glace, sans doute pour mieux effa­cer aussi leur diffé­rence d’âge. Au milieu, un adules­cent qui a du mal à parler (Charles Melton, censé être la révé­la­tion du film), mais qui ne sait toujours pas avec qui il couche, quand il couche (climax). May Decem­ber, la très belle expres­sion amériaine pour dési­gner la diffé­rence d’âge entre deux person­nages, ne sera jamais évoquée.

Julianne Moore et Nata­lie Port­man, quelle est la plus liftée ?

Décons­truire et tour­ner autour du pot

A force de tour­ner autour du pot (et de la tarte aux myrtilles), n’abor­dant ni le scan­dale, ni la passion, ni le trauma, Todd Haynes finit par enfer­mer chacun de ses acteurs dans un rôle de pantin qui joue à faire-semblant. Quand ils ne deviennent pas trois person­nages fran­che­ment tarti­gnoles, minés par des dialogues en chambre plus creux qu’une sitcom (« ils font quoi, tes parents ?« , « comment tu mets ton rouge à lèvres ? »).

A force de tout décons­truire sous prétexte de distan­cia­tion, Todd Haynes en oublie sa plus belle veine passion­nelle (Carol, Loin du Para­dis) pour une méta­phore du cinéma et de la jeunesse qui a fait long feu (l’éclo­sion de la chenille en papillon en gros plan entre chaque scène) . On a bien compris la réfé­rence ciné­phile au cinéma abstrait et névrosé de Losey, merci. On ne verra pratique­ment pas le tour­nage dont il est ques­tion. Ce n’était pas la peine pour autant d’al­ler remixer la géniale musique de son film Le Messa­ger pour combler le vide. On l’en­tend déjà à chaque géné­rique de Faites entrer l’ac­cusé, et c’est autre­ment plus palpi­tant.

May Decem­ber de Todd Haynes (EU, 1h57) avec Julianne Moore, Nata­lie Port­man, Charles Melton… Sortie le 24 janvier.

May December

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