Vous êtes à l’affiche de deux comédies, Les Parfums et Mes Jours de gloire dans lesquelles vous interprétez deux personnages très différents. Comment avez-vous abordé leur mode comique ?

Emmanuelle Devos : « Je n’ai pas eu grand chose à faire, la comédie était déjà dans l’écriture. Ce sont les situations qui m’ont aidée à me fondre dans le décor. On sent très bien pour chaque film la couleur que le réalisateur a voulu donner. Pour Mes Jours de Gloire, le scénario était axé très comédie autour de Vincent Lacoste, alors que pour Les Parfums, il y a eu un gros travail en amont pour trouver le personnage d’Anne Walberg, ne serait-ce qu’à cause de son métier de nez.

Qu’est-ce qui vous attirée pour jouer Anne Walberg, personnage froid et distant, pas vraiment à l’aise dans ses relations avec les autres ?

Il y a des points communs entre le métier d’acteur et celui de nez : ce sont deux professions qui demandent de la concentration et de la solitude. Comme elle, j’ai longtemps eu tendance à m’enfermer dans mon métier, j’avais du mal à affronter le monde. Ce sont souvent les enfants qui sont comme ça… J’ai gardé ça de l’enfance pendant assez longtemps.

Emmanuelle Devos dans Les Parfums de Grégory Magne.

Comment joue-t-on un personnage qui passe par l’odorat ?

Emmanuelle Devos : La mise en scène et la musique s’en chargent : quelqu’un qui est en train de sentir fait toujours la même tête ! Le personnage d’Anne a l’habitude de rentrer dans son col roulé pour sentir son odeur et « faire le blanc », comme disent les nez. C’est une façon de se protéger de tout.

Dans Mes Jours de gloire, vous jouez la mère de Vincent Lacoste. Vous étiez contente de le retrouver après avoir tourné à ses côtés dans Les Beaux gosses ?

Oui, c’est un excellent acteur, très drôle. Il est capable de tout jouer, de se glisser dans n’importe quelle filmographie, que ce soit celle de Christophe Honoré ou d’Antoine de Bary (réalisateur de Mes jours de gloire, ndlr). Il est dans l’incarnation immédiate, sans effort apparent, alors qu’il travaille beaucoup.

J’en ai ras le bol de jouer dans des films tristes !

Emmanuelle Devos

Vous avez été d’abord repérée chez Desplechin, un cinéma plutôt intello, qu’est-ce qui vous a décidé à enchaîner ces deux comédies ?

Emmanuelle Devos : Je ne pense pas avoir d’étiquette, on ne m’identifie pas à un type de cinéma. On m’a souvent proposé des comédies que je refusais car l’écriture ne me correspondait pas. C’est une chose d’être cocasse, mais je n’ai pas la drôlerie de Karine Viard ou de Valérie Lemercier. Même si j’ai de la fantaisie, je ne peux être drôle qu’à certains endroits, si c’est vraiment écrit pour moi. Mais peut-être que dans dix ans, je ne ferai plus que des comédies ! J’en ai ras le bol de faire des films tristes, j’ai épuisé mon potentiel dramatique. Je n’ai plus envie de me faire mal, de pleurer devant une caméra, sauf si c’est pour un grand réalisateur.

Les Parfums est le second film de Grégory Magne et Mes Jours de Gloire est le premier long d’Antoine de Bary. Vous aimez tourner avec de jeunes réalisateurs ?

C’est un hasard complet ! Peu m’importe que ce soit un premier ou un cinquième film. J’ai tourné avec des cinéastes débutants qui sont devenus des piliers du cinéma français comme Desplechin, mais je n’ai jamais fait exprès de tourner avec de jeunes réalisateurs : qui se ressemble s’assemble. Je me considère toujours comme une débutante. Avant chaque tournage, je me demande si le miracle va encore se produire.

Depuis deux ans, j’ai arrêté de payer ma costisation aux Césars »

Emmanuelle Devos

Sur Instagram, vous aviez publié un post pour défendre le film d’Hafsia Herzi, Tu mérites un amour, qui ne figure pas dans catégorie Meilleur premier film des Césars. Vous trouviez déjà l’Académie obsolète ?

Depuis deux ans, j’ai arrêté de payer ma cotisation aux César, celle qui donne le droit de voter, car je ne veux plus donner d’argent à une institution dont je trouve le fonctionnement louche (l’interview a été réalisée avant la démission collective des organisateurs). Quand on voit les catégories dans lesquelles peuvent se retrouver certains films, c’est plus qu’étrange…

Vous êtes venue plusieurs fois à Lyon pour le Festival Lumière…

J’adore vraiment la vie lyonnaise. Je viens ici pratiquement tous les trois mois pour jouer aux Célestins ou au TNP, ou pour le festival Lumière. Il n’y a pas d’enjeux ni de compétition, c’est formidable. On vient uniquement pour le cinéma et parler des films. On se retrouve à dîner entre Donald Sutherland et Vincent Elbaz, on regarde un film avec Xavier Dolan et on fait un mâchon avec Matt Dillon et Keanu Reeves… C’est ça l’esprit du cinéma. Si on a une baisse de régime en tant qu’acteur ou réalisateur, il faut venir au festival Lumière ! Là, je sors de ma bulle de solitude ! »

Propos recueillis par Caroline Sicard

Les Parfums de Grégory Magne (France, 1h40). Avec Emmanuelle Devos, Grégory Montel, Gustave Kervern… Lundi 8 avril à 21h10 puis en replay gratuit sur France 3.