Deux hommes, une femme, une seule possi­bi­lité. Sans pouvoir trop en dévoi­ler sur ce film en appa­rence banal qui mine de rien révèle pas mal d’inat­tendu, Ira Sachs filme l’amour à trois en bout de course; à son point limite en quelque sorte, lorsqu’un des deux amants d’un couple gay couche avec une jeune femme le temps d’une soirée.

Adèle Exarchopoulos pull rouge face à Ben Whishaw au café de profil.
Quand Ben Whishaw apprend par Adèle Exar­cho­pou­los ce que ne lui a pas dit son compa­gnon.

Baise et sépa­ra­tion

Car c’est un person­nage fermé que ce Tomas, cinéaste brut de décof­frage et exas­pé­rant à la Fass­bin­der (Franz Rogowski, toujours ahuri), même si sa fran­chise lucide, notam­ment devant belle-maman, en fait incon­tes­ta­ble­ment un être de valeur. C’est toute l’am­bi­guïté de ce nouveau film d’Ira Sachs, plus retors qu’il en a l’air : filmer l’amour et le désir à leur point limite, d’au­tant plus intenses qu’ils se « trompent » (comme le dit le très beau Erwan Kepoa Falé en person­nage secon­daire). Un peu à la façon d’une suite et fin de la liai­son des amants de Keep the lights on, un des premiers films du réali­sa­teur améri­cain.

Ben Whishaw regardant une silhouette de dos sur son lit dans Passages.
Ben Whishawn de Q dans James Bond au Q chez Ira Sachs.

Un des plus beaux rôles de Ben Whishaw

Ira Sachs construit ses person­nages en actes, dans des scènes de sexe au bord de la sépa­ra­tion, captant des moments comme sur le vif pour mieux les mettre en pers­pec­tive ou les démen­tir dans les inter­stices du monta­ge… De ce point de vue là, ce film mal aimable est une sorte de drame anti-senti­men­tal, ni vrai­ment amour toxique ni amour d’un soir. Le traité impos­sible d’un homme trop franc et irré­duc­tible pour vrai­ment donner et se donner, avec deux très beaux person­nages pour buter sur lui, auxquels vont toute notre sympa­thie : une Adèle Exar­cho­pou­los plus « belle » que jamais, comme lui disent ses jeunes élèves, qui nous rappelle les garçons de Brook­lyn Village, le plus beau film d’Ira Sachs ; et un Ben Whishaw gracile mais solide, une nouvelle fois merveilleux en amant fou d’amour meur­tri qui saura recou­vrer sa liberté. Un traité d’amours impi­toyables.

Passages d’Ira Sachs (Fr-All, 1h31) avec Ben Whishaw, Franz Rogowski, Adèle Exar­cho­pou­los, Erwan Kepoa Falé, Théo Chol­bi… Sortie le 28 juin.

Adèle Exarchopoulos pull rose et Franz Rogowski dansent dans Passages d'Ira Sachs.