Après La Femme de Tchaikovski premier choc de ce début d’année, Le Capitaine Volkonogov s’est échappé confirme la folie et la vitalité de la culture russe contestataire, aussi inventif et baroque dans la forme que noir et désespéré sur le fond.
Au pic de la Grande Terreur, Staline purgeait ses propres rangs en URSS, les hommes mettant en oeuvre sa répression étant eux-mêmes arrêtés et exécutés. C’est pour échapper à ce destin funeste que Natasha Merkoulova & Alexeï Chupov qui font tout ensemble ont créé de toutes pièces ce capitaine Volkonogov, anti-héros coupable en quête de rédemption dans sa fuite à Saint-Pétersbourg, personnage de fiction réceptacle de toutes les contradictions de la société soviétique.
Funny Games à la russe
On pourrait croire à un John Wick russe, c’est surtout à une sorte de Funny Games soviétique qu’on assiste, les hommes en rouge et en bande contrastant avec la superbe reconstitution d’époque de Saint-Pétersbourg, là où le film a été tourné, un an avant la guerre en Ukraine. La superbe séquence d’un dirigeable arborant l’année « 1938 » situe le film historiquement, mais c’est bien à une parabole politique qu’on assiste, avec ce pur mélange des genres à la Gogol (auquel le couple avait déjà consacré un scénario). On songe beaucoup à La Fièvre de Petrov et à Kirill Serebrennikov, d’autant que l’acteur principal, Yuriy Borisov, placide, physique et mécanique, y figurait déjà.
Survival en 24h chrono
Mais c’est bien la peur de l’agressivité et de la sentence arbitraire que filment Natasha Merkoulova et Alexeï Chupov le temps de ce survival en 24h chrono. Les flashbacks, cauchemars, traumatismes et autres scènes de tortures vont jusqu’à y réveiller les morts et enterrer les vivants (dans leurs mensonges), jusqu’à cette scène de poker menteur stupéfiante avec un père à qui Volkonogov vient annoncer l’exécution de son fils. Qui est ennemi de l’Etat, qui ne l’est pas ? Qui joue double jeu pour débusquer le traître en fuite ? Lorsque le capitaine déchu appelle désespérément une cité au dialogue, c’est le plus parfit mutisme qui lui claque au nez. Le départ pour les camps en rangs serrés nous rappelle que cette parabole à l’esthétisme baroque on ne peut plus russe, si elle ne révolutionne pas le genre, reste bien un pamphlet salutaire de la dernière vitalité.
Le Capitaine Volkonogov s’est échappé de Natasha Merkoulova & Alexeï Chupov(Rus-Fr-Est, 2h06) avec Yuriy Borisov, Timofey Tribuntsev, Nikita Kukushkin, Anastasiya Ukolova… Sortie le 29 mars.
