Le rôle aura valu à Sandrine Kiberlain un César de la meilleure actrice amplement mérité en 2014. Après un réveillon bien arrosé, Ariane, une magistrate raide comme un bâton de maréchal (Sandrine Kiberlain, donc) se retrouve enceinte d’un demeuré justiciable, accusé d’être un tueur en série“globophage”(qui mange les yeux de ses victimes). Comment est-ce possible? C’est la première bonne idée de cet Albert Dupontel en grande forme. En surveillant impassible, Bouli Lanners reconstitue sa nuit d’amnésie à travers les caméras de vidéosurveillance. S’ensuit un remake de cinéma muet à travers les nouvelles technologies totalement hilarant.

Albert Dupontel bien remonté.

Gratuit sur France 3

C’est l’une des très belles trouvailles visuelles de cette comédie qui malgré certaines outrances n’oublie pas d’avoir des idées de cinéma, comme les 1001 façons de trucider un vieux façon humour gore, avec un usage domestique très particulier du mixeur… Mauvais esprit, imagination débordante, après la sortie de route de Vilain, Dupontel retrouvait la place singulière qu’il occupe dans le cinéma français, quelque part entre Gaspar Noé et Jan Kounen (les deux font d’ailleurs une apparition en prison). Avec toujours cette folie d’utiliser la réalisation comme une expérimentation des jeux d’acteurs les plus débridés. Nicolas Marié en avocat bègue sort le grand jeu, et l’apparition de Jean Dujardin utilisant un faux langage des
signes pour parodier les informations est à mourir de rire. Paradoxalement, comme souvent dans ses derniers films, c’est le Dupontel acteur,toujours dans la saturation, qui constitue la principale faiblesse du film. Mais Sandrine Kiberlain en godiche appliquée et intransigeante, toujours dans une fausse distance, trouve ici son plus beau rôle comique.

Sandrine Kiberlain en pleine envolée.

Sandrine Kiberlain en misanthrope asexuée

L’autre grande idée du film, c’est de faire de cette magistrate − incarnant par définition la Loi et le Bien − une misanthrope asexuée totalement psycho-rigide. Comme si la bien-pensance et la bonne morale allaient toujours avec la pire des névroses. Le film y trouve son principal ressort comique. A travers elle, il renvoie dos-à-dos l’aberration procédurière du système judiciaire et, plus courageux, la mauvaise foi des témoins : “On va élargir l’enquête, on va peut-être interroger le savon et le robinet”, dit-elle à une femme battue qui prétend avoir glissé dans sa salle de bains…Pas de gras (1h22 pétantes), pas de démagogie, tout le monde en prend pour son grade dans ce comique destructeur et cartoonesque. “Pour oublier les autres, il faut parfois faire comme les autres”, dit cette juge acariâtre avant de prendre sa cuite au début du film. La seule façon d’être comme tout le monde dans la misanthropie bonhomme de Dupontel, c’est d’être désespérément tordu.

9 mois ferme d’Albert Dupontel (2013, Fr, 1h22) avec Sandrine Kiberlain, Albert Dupontel, Nicolas Marié, Philippe Uchan, Bouli Lanners… Jeudi 17 février à 21h10 sur France 3.