C’est toujours embêtant quand l’aboutissement d’un film de 2h30 n’intervient qu’à la toute fin, dans une dernière scène, heureusement splendide. Avant, il vous faudra être (très) patient pour faire dix fois le tour d’une fête foraine des années 40, certes avec une Rooney Mara archi-sexy sur sa chaise électrique (factice), de belles trouvailles visuelles, mais une exposition des personnages franchement interminable. La caméra montée sur roue de Guillermo del Toro ne s’arrête jamais de tourner, mobile au point de percer chacun des couloirs en steadycam (décidément une manie d’auteur en ce début d’année après Licorice Pizza), et de réaliser son plan de grue à chaque plan large… pour mieux nous montrer l’envers du décor.

Bradley Copper, escroc de foire dans Nightmare Alley.

Usine à rêves et déjà vu

Pas de « Nightmare » ici, c’est bien la machine du cinéma que Del Toro met en scène, renonçant pour la première fois aux créatures fantastiques de son cinéma pour ne filmer que la représentation théâtrale et ses illusions fallacieuses. Il faudra attendre le visage final pour en mesurer toute la causticité. Le tour de manège qui précède consiste en un hommage permanent à l’usine à rêves, des films de monstres de foires au film noir avec blonde fatale (Cate Blanchett, consumant les dernières cartouches du genre dana la dernière heure, sans grande originalité).

Bradley Cooper sous toutes les coutures dans Nightmare Alley.

Le grand rôle de Bradley Cooper

Le vrai du faux, le goût de l’illusion et de la manipulation à travers les artifices du spectacle, Guillermo del Toro est un cinéaste beaucoup trop déférent et conformiste pour donner un relief personnel à ce remake du film d’Edmond Goulding de 1949 (encore une mise en abîme), même s’il témoigne à merveille de son travail d’orfèvre. Pour attendre la révélation finale et les quelques coups de feu, poursuites et gouttes de sang versées dans le dernier quart-d’heure, ils vous sera en revanche plus facile d’être patients devant un acteur de la trempe de Bradley Cooper. Dépenaillé, hirsute, menteur barbu ou magicien rasé de près en costume de scène, il trouve ici un de ses grands rôles de manipulateur (dont la vérité, bien sûr, ne sera révélée qu’à la fin). Dommage que le film ne soit pas à sa hauteur.

Nightmare Alley de Guillermo del Toro (E-U-Mex, 2h30) avec Bradley Cooper, Rooney Mara, Toni Colette, Cate Blanchett, Willem Dafoe… Sorti le 19 janvier.

Pour un avis différent (on se prend pour Télérama !), mais pas tant que ça, lire aussi la critique de François Mailhes.