Avec son nouveau film autobiographique Reste un peu, on s’attendait à un festival égocentrique de Gad le juif se convertissant à la religion catholique. On avait bien tort : Reste un peu est un docu-fiction drôle et profond, et surtout honnête quant au parcours d’un humoriste qu’on retrouve comme on l’aime, malicieux et touchant.

Reste un peu, c’est ce que pourrait dire ses parents à Gad quand il vient les retrouver à Paris, de retour des States, alors qu’il projette de dormir à l’hôtel… Retour en enfance chez des paternels tellement aimants qu’ils voudraient surtout le voir rester dans la religion juive, quand ils découvrent une vierge Marie dans ses bagages ! Peut-on se convertir à une autre religion, a fortiori catholique, quand on est juif ? Ni sentencieux, ni égocentré, Gad Elmaleh réussit une comédie spirituelle en forme d’autoportrait familial, une forme de docu-fiction à nos yeux assez nouvelle dans le paysage hexagonal. La réflexion religieuse n’y est jamais tournée en dérision, mais le drame qu’elle provoque est constamment désarmorcé par un scénario co-écrit avec Benjamin Charbit (Gagarine, En Liberté !), au milieu duquel s’insère la véritable famille de Gad.

Régine Elmaleh découveant la Sainte Vierge de son fils sans oser la toucher.

1h30 de tendresse, de drôlerie et de réflexion spirituelle

C’est drôle, touchant, joliment filmé quand il s’agit de faire vivre la lumière de Paris, et le converti s’y donne tout sauf le beau rôle. Sa soeur n’hésite à dire sans chichi qu’elle est toujours restée la fille d’à côté de la célébrité autour de laquelle s’organisait la famille, et un vieux monsieur athée magnifique, Guy Moign – à qui Gad lave les pieds et à qui le film est dédié – lui fera remarquer que Thierry Le Luron, en matière d’humoriste, c’était quand même autre chose…

Delphine Horvilleur et Gad Elmaleh.

La joie profonde et l’apprentissage de la liberté propre à la religion catholique nous touchent à travers le sourire de Soeur Catherine et les échanges avec le père Barthélémy, véritables ecclésiastique. La confusion entre les figures maternelles de la vierge Marie et de sa mère le temps d’un tableau de Régine Elmaleh, est une idée aussi belle que drôle. Tandis que le prénom de baptême que Gad se choisit en hommage au cardinal Lustiger, lui aussi né juif, permet de jolies vannes sur les Jean-Marie, de Bigard à… Le Pen. Après ses déboires aux Etats-Unis, Gad retrouve surtout ici son humour qui ose tout en douceur, et surtout son honnêteté d’artiste, cette « identité cassée » du comédien toujours obligé d’être un autre pour s’oublier lui-même, comme le pointe la rabbin Delphine Horvilleur dans un dialogue spontané d’ une rare acuité. Une forme d’humour juif appliqué au catholicisme, ou d’intégrité catholique appliquée à ses origines juives. Un mélange singulier qui fait certainement de ce premier film de Gad réalisateur son film le plus personnel, et le plus original.

Reste un peu de et avec Gad Elmaleh (Fr, 1h30) avec Régine, David et Judith Elmaleh, Delphine Horvilleur, Pierre-Henry Salfati… Sortie le 16 novembre.

Soeur Catherine et Gad Elmaleh.