A 62 ans, Viggo Mortensen passe enfin derrière la caméra avec Falling, qui retrace la relation conflictuelle entre un fils et son père, atteint de démence sénile. Exit Mag a pu le rencontrer lors du dernier Festival Lumière où il nous a raconté la genèse de son film, dans une interview en français s’il vous plaît. 

Falling est un film très personnel. Vous auriez commencé à écrire le scénario après le décès de votre mère… 

Viggo Mortensen : “L’idée du film est en effet liée à mes parents, à ce que j’ai appris d’eux, pour le meilleur et pour le pire. Le point de départ de cette fiction, c’est ma mère. Même si le film est devenu l’histoire d’une relation entre un père et son fils, la raison de leur conflit, c’est une différence de souvenirs autour de la mère. Elle reste le centre moral de l’histoire.

Le film raconte la déchéance mentale d’un vieil homme et les relations difficiles qu’il entretient avec son fils. Il y a beaucoup de flashbacks, de superposition de sensations et d’époque. C’est un film sur les souvenirs et l’effacement de la mémoire?

Avec cette histoire, je voulais confronter les versions différentes et parfois imparfaites des souvenirs que partagent les membres d’une même famille, en particulier le point de vue de Willis, une personne âgée qui commence à sombrer dans la démence sénile. J’ai vécu de près cette maladie avec ma mère, mon père, mes grands-parents… ça m’a aidé pour construire le personnage de Willis et sa relation avec son fils. Pour rendre compte de son point de vue, j’ai utilisé des images et des sons qui surgissent de son passé, mais j’ai voulu restitué son point de vue à lui, ce qui est présente dans son esprit, même s’il s’agit de souvenirs, plutôt que de faire primer le regard des autres.

Comment Lance Henriksen, qu’on a pu voir dans la série Millenium, a-t-il apporté sa pierre au rôle?

Lance a une façon incroyable d’écouter et de réagir. On le voit littéralement changer de sentiments ou de pensées à l’écran. C’est un acteur génial qui n’avait jamais eu l’opportunité de jouer un rôle aussi important et complexe. Pour travailler son personnage, il a beaucoup pensé à son enfance qui a été terrible, ce qui lui a permis de livrer une interprétation courageuse. 

Vous racontez une histoire intime, familiale, mais vous montrez aussi deux visages différents de l’Amérique…

On peut voir cette histoire comme une métaphore plus générale sur la société, la polarisation de la politique, les conflits, le manque de transparence dans la communication… et c’est devenu pire avec la présidentielle de Trump. Mais j’ai justement préféré ancrer le film en 2009, au début de la présidence d’Obama, et non en 2019 pour qu’on ne pense pas immédiatement à Trump. Je préfère qu’on voit d’abord cette famille, mais si le spectateur y voit une peinture de la société, alors c’est que le film fonctionne et qu’il devient le film du spectateur. 

Viggo Mortensen dans son propre film, Falling.

Pour votre premier film en tant que réalisateur, vous avez choisi d’interpréter l’un des deux rôles principaux. Était-ce un défi?

C’était plutôt le meilleur moyen de trouver de l’argent ! Mais cela s’est aussi révélé être une bonne décision créative car j’ai pu aider Lance. Je n’étais pas seulement son réalisateur, mais j’étais avec lui dans la bataille sur le plateau, comme un partenaire qui l’accompagnait et l’aidait à trouver des solutions dans son jeu.

Vous passez pour la première fois derrière la caméra avec Falling. D’où vous est venue l’envie de vous mettre à la réalisation ?  J’ai des scénarios plein mes tiroirs et j’avais envie de réaliser depuis longtemps. Le tout premier film que j’ai essayé de tourner, c’était il y a 23 ans, mais je n’avais pu rassembler que 20 % du budget. En fin de compte, c’était mieux d’attendre car pendant tout ce temps j’ai beaucoup appris. Ce que je retiens surtout des films que j’ai fait avec David Cronenberg, Jane Campion ou Matt Ross (Captain fantastic, ndlr), c’est l’importance de la préparation. Si vous avez suffisamment communiqué avec l’équipe et que vous êtes d’accord sur l’histoire que vous allez raconter ensemble, ça vous évite de perdre beaucoup de temps en discussions inutiles sur le plateau. On ne prépare jamais assez un tournage. »

Propos recueillis par Caroline Sicard

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