On vous avait quitté en nouveau Bébel dans d’Ar­ta­gnan, on vous retrouve en prof dévoué et sous pres­sion dans un thril­ler psycho­lo­gique. C’est assez rare de faire les deux…

François Civil : « Je ne fais vrai­ment pas la distinc­tion dans ma façon de choi­sir les rôles. Je me rends bien compte que sont des films qui n’ont ni la même ambi­tion ni la même portée, mais je ne m’im­pose surtout pas de poli­tique de choix en tant qu’ac­teur. Ce n’est pas si conscient, mais je prends vrai­ment plai­sir à diver­si­fier mes rôles. J’aime bien me confron­ter à des hori­zons que je n’ai pas encore explo­rés, et c’était l’oc­ca­sion parfaite.

Vous êtes incroyable de natu­rel en prof dans les scènes de cours. Vous aviez la fibre ensei­gnante ou quelqu’un pour vous inspi­rer ?

François Civil : (sourire)  » Mes deux parents sont profes­seurs, donc ça ne vient peut-être pas de nulle part effec­ti­ve­ment. Je ne les ai pas vu beau­coup exer­cer en cours, je n’ai­mais pas parti­cu­liè­re­ment l’école, mais je voyais leur inves­tis­se­ment à la maison, les correc­tions de copie, donc je crois que ça a dû certai­ne­ment infu­ser quelque part. Il y a d’ailleurs certaines scènes qui ont disparu du film là-dessus. Donc de ce point de vue-là, c’est sûr que j’étais un peu proche de cette profes­sion. Ensuite, j’ai pu construire ce person­nage à partir de discus­sion avec Teddy [le réali­sa­teur, NDLR] qui enseigne encore. J’avais aussi des souve­nirs d’élève, et des choses plus triviales qui m’im­portent pour la crédi­bi­lité : une gestuelle, un ton de voix, une façon d’être en classe.

C’est un thril­ler psycho­lo­gique hale­tant. Le film est nerveux, le scéna­rio est à l’os, il n’y a pas de gras. Ça m’at­ti­rait beau­coup.

François Civil
Making of de notre entre­tien avec François Civil. (image Arthur Alle­mand).

Pas de vagues est à la fois un hommage au métier de prof et un thril­ler autour de problèmes de société encore tabous. Vous aviez un peu d’ap­pré­hen­sion à jouer dedans ?

François Civil : Ce que je recherche dans un film comme celui-là, c’est une forme de justesse dans la forme et dans le fond. C’est-à-dire la crédi­bi­lité du métier, et un thril­ler psycho­lo­gique extrê­me­ment hale­tant. Le film est nerveux, le scéna­rio était à l’os, il n’y a pas de gras. C’était une dimen­sion qui m’at­ti­rait beau­coup. A partir de là, on pouvait abor­der effec­ti­ve­ment tout le malaise d’une profes­sion, autour de cet inci­dent qui aurait dû rester à l’échelle d’in­ci­dent, mais qui va se propa­ger du fait des dysfonc­tion­ne­ments. Jusqu’à prendre des propor­tions folles.

C’est vrai­ment la complexité des situa­tions et des person­nages qui m’ont plu. Julien est coura­geux, dévoué, peut-être même un peu trop. On sent tout de suite que c’est quelqu’un d’in­vesti qui veut bien faire, mais qui en sortant du cadre va aussi permettre à cet inci­dent d’ar­ri­ver. On ressent tout le temps la nuance, la complexité, les diffé­rentes percep­tions du réel à l’in­té­rieur de cette montée en tension. C’est vrai­ment ce qui m’at­ti­rait parti­cu­liè­re­ment. Par exemple, le témoi­gnage de cette jeune fille qui va jeter le trouble est toujours respecté dans sa vérité, elle n’est jamais trai­tée de menteuse.

Votre confron­ta­tion avec elle est une des scènes marquantes du film.

Complè­te­ment, Toscane Duquesne qui joue Leslie est incroyable de vérité. Je me suis surpris à être aussi vulné­rable que Julien. J’étais vrai­ment porté par son jeu pour me lais­ser aller dans des zones que je ne soupçon­nais pas, c’était très fort.

La sexua­lité de votre person­nage ajoute aussi à la complexité du thril­ler.

François Civil : « Oui, on a imaginé avec Teddy qu’il pouvait aussi être un trans­fuge de classe. Disons que son orien­ta­tion sexuelle et amou­reuse en fait encore plus un être à part à l’in­té­rieur de l’ins­ti­tu­tion. Il a pu s’éman­ci­per d’un milieu social où il n’était pas forcé­ment accepté, notam­ment pour ça. C’est sans doute pour ça que c’est un person­nage qui veut se proté­ger et pas forcé­ment dire les choses. Il ne voit pas forcé­ment ce que ça engendre autour de lui, et comprend ensuite que ça pour­rait être un argu­ment qui le disculpe. Il ne veut pas dévoi­ler son inti­mité de peur de se mettre en fragi­lité. On retrouve à chaque fois de la complexité dans le scéna­rio.

Ce mélange de réalisme fron­tal et de complexité vient aussi sans doute d’Au­drey Diwan qui a parti­cipé au scéna­rio, comme déjà sur Bac Nord. Vous arrive-t-il de travailler direc­te­ment avec elle ?

François Civil dans Bac Nord.

François Civil : Oui, on se croise et on se connaît. Elle a même co-écrit L’Amour ouf de Gilles Lellouche dans lequel j’ai joué [avec Raphaël Quenard, NDLR] et qui sortira cette année. Je l’ap­pré­cie énor­mé­ment, elle a une grande intel­li­gence d’écri­ture comme scéna­riste ou comme réali­sa­trice. J’avais adoré L’Evé­ne­ment et j’at­tends avec impa­tience ce qu’elle va faire d’Emma­nuelle [qui doit aussi sortir cette année, NDLR]. Sur Pas de vagues, on a discuté en amont pour prépa­rer le film et la façon dont les diffé­rents enjeux étaient abor­dés. Et je l’ai revue pour me remé­mo­rer les choses pour la sortie du film au moment de vous en parler.

S’il y a un 3, je veux bien rechaus­ser les bottes de D’Ar­ta­gnan avec grand plai­sir ! Mais je ne sais pas du tout si c’est en cours…

François Civil
Le Roi Louis Garrel face à François Civil D'Artagnan dans Les 3 Mousquetaires.
Louis Garrel toisant François Civil en d’Ar­ta­gnan.

Vous préfé­rez être dans les bras de Lyna Khou­dri en d’Ar­ta­gnan ou dans ceux de Shaïn Boume­dine dans Pas de vagues ?

François Civil : Les deux à égalité ! (sourire) On joue des person­nages, mes préfé­rences à moi ne rentrent même pas en consi­dé­ra­tion. C’était vrai­ment inté­res­sant de travailler avec Lyna sur la rela­tion entre Cons­tance et d’Ar­ta­gnan qu’on voulait moder­ni­ser par rapport au texte origi­nal. Et j’ai vrai­ment aimé créer ce couple avec Shaïn qui est vrai­ment un refuge, un lieu de séré­nité pour Julien, même s’il va lui aussi vaciller. C’était une véri­table inti­mité conju­gale à faire exis­ter, une très belle rela­tion. J’ai vrai­ment aimé les deux ! (rires)

Vous seriez donc partant pour un prochain d’Ar­ta­gnan ?

Ah, s’il y a un 3, je veux bien rechaus­ser les bottes avec grand plai­sir ! Mais je ne sais pas du tout si c’est en cours. C’est aux éminences grises de déci­der… »

Pas de vagues de Teddy Lussi-Modeste (Fr, 1h31) avec François Civil, Shaïn Boume­dine, Toscane Duquesne, Mallory Wanecque… Sortie le 27 mars.

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