Le Musée d’Art contemporain se pose, comme rarement, en une magnifique caverne d’Ali Baba à travers trois expositions simultanées. La dernière acquisition, River of no return de Sylvie Selig, une fresque de 140 mètres relatant une odyssée nautique à travers l’art contemporain, mérite à elle seule la visite.

Elle occupe tout un étage. Il y a encore Friends in love and war, une enthousiasmante sélection d’œuvres croisées entre le MAC et le British Council. Le thème est l’amitié. Ce n’est pas évident quand on observe les toiles, dessins, photos, vidéos et installations… Mais qu’importe, cela change des thèmes « concernants », mais déprimants, du moment : migrations, guerres, destruction annoncée de la planète et souffrances liées au « genre ».

250 œuvres insolites d’Antoine de Galbert

Photos : collection Antoine de Galbert / Mac Lyon.

Enfin, et surtout, autre source de réjouissance, il faut profiter de l’« extrait » de la collection Antoine de Galbert, comportant tout de même rien moins que 250 œuvres et près de 160 artistes. Là encore, le mot inclassable revient en haut de la pile. De fait, l’exposition s’intitule Désordres. Le terme s’étend judicieusement en une autre acception, politique, révolutionnaire, à une salle qu’on pourrait qualifier de conjonction des militantismes.

Un drapeau rouge balançant entre deux ventilateurs évoque, on imagine, la confrontation Est-Ouest. Le doigt d’honneur sculpté sur une sorte de mi-déambulateur mi-chariot de supermarché de John Isaac est la version « fuck-off » du pouce de César. On s’amuse aussi d’un portrait de Karl Marx sur un panneau destiné à une manif par Arnaud Labelle-Rojoux. Il est intitulé « Karlie ». Le spectateur comprend vite l’allusion : « où est passé Karlie ? ». Où est passé le marxisme ? On retrouve plus loin un « objet » qui résonne comme une réponse : la faucille et le marteau recouvert de peluche de Leonid Sokov, comme un nounours.

Les requins marteaux de Damien Deroubaix dans la collection Antoine De Galbert.

On frémit (presque) devant les requins-marteaux de Damien Deroubaix semblant effectuer un tour de garde. Sur leur  peau est inscrit « control ». Pas besoin de cartel pour comprendre l’allusion. Ce n’est qu’un petit bout de lorgnette sur une collection qui ne doit rien aux modes du marché de l’art. Antoine de Galbert a bénéficié de la liberté (héritier groupe Carrefour) d’acquérir sur un mode passionnel. Se présentant lui-même comme autodidacte, il s’est intéressé à nombre d’artistes inconnus, aux divers modes d’expressions, du dessin à l’installation, à l’art brut, aux arts premiers (il a fait don, en 2017, au musée des Confluences, de plus de 500 coiffes du monde entier).

Une excursion dans le monde

On pourrait penser à un cabinet de curiosités (d’ailleurs, il y en a un au centre de l’exposition), mais l’accumulation passionnelle d’œuvres diversifiées, de coups de cœur, représente, selon le collectionneur lui-même, un mode d’expression en soi. On recommande chaudement (four à 220°) cette excursion dans le monde, très accessible, ressourçant, d’une personnalité riche. Le catalogue est en vente (25 euros) dans un autre cabinet de curiosités, la boutique du musée gérée par l’extravaguinsolite David Bolito de chez Blitz.

Bon plan : pour ses 40 ans, le Mac de Lyon et ses expositions seront gratuits tout le week-end du 17 au 19 mai.

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