C’est un temps que les gays de moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Celui du premier film d’un jeune cinéaste, peintre à l’oc­ca­sion, nommé Derek Jarman. Sebas­tiane, sorti en 1976 en cati­mini, et à part une poignée d’ob­sé­dés d’homo-érotisme et de curio­si­tés ciné­ma­to­gra­phiques dont nous faisons partie, pas grand monde n’aura vu ce drôle de péplum contem­pla­tif… tourné en latin et en super 8 !

Derek Jarman, pion­nier de la culture queer

Pourquoi s’in­té­res­ser à Sebas­tiane alors, se deman­dait Didier Roth-Bettoni dans le livre-DVD qu’il a consa­cré à Saint-Jarman, cinéaste queer et martyr ? Parce que rétros­pec­ti­ve­ment, Sebas­tiane est un point de rupture entre la repré­sen­ta­tion codée de l’ho­mo­sexua­lité au cinéma jusque dans les années 70, et un film pion­nier de la culture queer qui se montre, et prend posses­sion des codes hété­ro­sexuels pour mieux les subver­tir. « Héri­tier radi­cal de cette histoire récente, Sebas­tiane est, de façon très volon­ta­riste et très enga­gée, un film de la fran­chise homo­sexuelle, de l’af­fir­ma­tion  », note encore Didier Roth-Bettoni.

Sebas­tiane, le premier film under­ground de Derek Jarman, en 1976.

Tout l’art de Jarman, par ailleurs person­na­lité plutôt sombre et discrète, a consisté à « reven­diquer, propo­ser une alter­na­tive homo­sexuée à l’ima­ge­rie domi­nante ». Jubi­lee et The Last of England, proje­tés pendant le festi­val Ecrans mixtes, sont d’ailleurs parmi ses films les plus radi­caux et poli­tiques, violem­ment anti-That­cher et joyeu­se­ment débri­dés.

Tilda Swin­ton et Annie Lennox, invi­tées surprises

Tilda Swin­ton dans Cara­vag­gio.

Il retrou­vera l’his­toire de la pein­ture avec son film le plus célèbre, Cara­vag­gio, autre­ment plus évoca­teur que le navet de Michele Placido sorti l’an passé… Rien de tel que l’his­toire de l’art et de la pein­ture en parti­cu­lier, que Jarman connais­sait sur le bout des doigts, pour contre­dire l’his­toire offi­cielle en subli­mant l’es­thé­tique queer. Mort du Sida, le réali­sa­teur britan­nique, dimi­nué par la mala­die, réali­sera son dernier film, Blue, un mono­chrome ciné­ma­to­gra­phique concep­tuel de 1h19, en hommage au bleu Klein…

C’est tout à l’hon­neur du festi­val Ecrans mixtes dont Exit Mag est fier d’être parte­naire, que de remettre au goût du jour cette figure majeure du mouve­ment under­ground britan­nique dont sont issues nombre de stars d’aujourd’­hui avec lesquelles il a travaillé. Comme Tilda Swin­ton, présente dans Cara­vag­gio et narra­trice de Blue, ou Annie Lennox, qui chante la sublime chan­son de Cole Porter, Every­time we say good­bye, dans Edward II.

Festi­val Ecrans mixtes, du 6 au 14 mars à Lyon aux Pathé Belle­cour et Vaise, au Comoe­dia, ciné­mas et insti­tut Lumière et autres lieux de la Métro­pole. Rétros­pec­tive Derek Jarman en 5 films : Sebas­tiane (1976), Jubi­lee (1977), Cara­vag­gio (1986), The Last of England (1988), Edward II (1991).

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