Corps allongés, têtes en mini-boules et chaussures noires en claquettes… une bande d’hommes désarticulés et pourtant humains, bien humains, font leur entrée en nuée par la petite porte de l’immense scène du TNP. C’est le début magique, quelque part entre Giacometti et la comédie musicale, de la création mondiale de Dimitris Papaioannou, Transverse orientation, notre premier gros coup de coeur de cette Biennale de la danse 2021.

Art transversal

Les centaures homme-femme selon Dimitris Papaioannou (photos Julian Mommert).

Ce n’est pas tous les jours qu’on a le sentiment d’avoir à faire à un maître, dans des tableaux vivants sublimes de Madonne ou de statuaire grecque masculine revisités. Nudité, questions de genre, corps désarticulés se débattant avec un lit pliant, rapport entre animé et inanimé, il y a tout cela dans cet art transversal, et pourtant sans la moindre ingratitude conceptuelle, comme apaisé dans une poésie de la scène, qui se permet de citer les claquettes, ponctuée de morceaux (originaux et très bien choisis) de Vivaldi.

De retour d’Athènes

Choré-scénographe, connu dans le monde entier pour la cérémonie de JO d’Athènes en 2004, Dimitris Papaioannou compose un monde dont les visions prennent corps sous nos yeux, dans un ballet aussi décharné que somptueux, sans la moindre complaisance ou misérabilisme, y compris lorsqu’il célèbre les ruines du temps, sous toutes ses formes. Jusqu’à nous emmener faire naufrage sur une plage finale sublime qu’on vous laisse découvrir, comme un retour aux sources.

La beauté des ruines

Il y a du Chirico chez Papaioannou, ce peintre italien originaire de Thessalie, dont les personnages, aveugles ou infirmes, se mêlaient à la beauté du monde recomposée dans l’architecture d’un tableau. La beauté selon Papaioannou est bien vivante, sous nos yeux, enfourchant nue un taureau de scène ou allaitant un enfant dans une fontaine de jouvence de lumière. On vous avait prévenu que la scène grecque contemporaine serait un des événements de cette Biennale. Transposée de la Cour d’honneur d’Avignon où elle devait être créée l’année dernière sur le plateau du Grand théâtre du TNP, cette Transverse orientation, si elle garde tous ses mystères pour une deuxième vision, ne manquera d’imprimer les rétines les plus rétives de l’imaginaire collectif.

La bande annonce da la création mondiale de Dimitris Papaioannou, Transverse orientation.

Transverse orientation de Dimitris Papaioannou. Jusqu’au dimanche 6 juin au TNP à Villeurbanne, Grand théâtre, dans le cadre de la Biennale de la Danse 2021. 18h45 (dim 15h30). De 12 à 30 €. Réserver.

Lire aussi notre dernier numéro d’Exit ou notre gros plan sur la Biennale.