Stupéfiant évolue dans le Gulf-stream des courants chauds de la cuisine du quotidien. Nous sommes dans un bistrot/ brasserie contemporain près de la place Valmy à Vaise. Un lieu de passage dans lequel on aurait peu plus facilement s’attendre au déroulé touristique de burger frites, tartare, salade caesar… Mais non, Stupéfiant rejoint les préoccupations actuelles d’une cuisine décomplexée privilégiant les petites surprises plutôt que le confort des pèlerinages gustatifs classiques.

Top Chef, de Philippe Etchebetz à Théo Grandidier

Au grand énervement de nos amis de la pétanque qui s’acharnent à déclarer qu’il n’ y a rien de meilleur qu’une bonne blanquette de veau et, ajouterait-t-on, une bonne paire de charentaises. Le saumon de brasserie, traditionnellement accompagné de riz et de ratatouille en petits cubes n’a ici pas lieu d’être. Il est servi en gravlax au bitter orange et agrémenté de pétales de betterave. Le jeune cuisinier Théo Grandidier, qui avait participé à l’émission Top chef saison 5, ne terminait que deuxième, butant sur le podium avec sa déclinaison de tartelette au radis et hibiscus. Philippe Etchebetz, plutôt que de le frapper à coups de Michelin sur la tête dans ses accès de colère de type « en 150 ans de carrière, je n’avais jamais vu ça », l’a même félicité. Ce talent, qui correspond à cette météorologie qu’on pourrait appeler l’air du temps, montre comment la physiologie de « bar de quartier » a évolué.

Stupéfiant, restaurant bistronomique à Lyon 9

La présentation des assiettes est indubitablement plus esthétique, inspirée des grandes tables et des loisirs créatifs. Le « finger façon Snickers », détournement des souvenirs d’enfance dévolus à l’industrie sucrière, au-delà d’être bon ou doudou caramélisé, est prêt à participer au top chef des arts décoratifs. Tavelé de grosses noisettes torréfiées, il semble entrer en suspension dans sa longue assiette grâce à une ganache en forme de ressort. Le propos n’est pas le coupage de cheveux en quatre. On a été séduit par de simples asperges vertes servies avec un jus de viande légèrement réduit.

Bonne cuisine, cadre élégant

L’air du temps créé évidemment de nouveaux poncifs. Les arts de la rue ou street food en pleine vibe se retrouvent dans une composition (réussie) wrap et houmous. L’ail noir (issu de la fermentation), qui a succédé à la vague d’invasion des tranchettes de radis et de la grenade, rejoint un pressé de bœuf snacké. Quant au conquérant sablé breton, il apparaît évidemment au générique des desserts. Nouveaux codes, nouveaux plaisirs. Bonne cuisine, cadre élégant (les grosses lettres sur les murs, quand on observe bien, forment le mot Stupéfiant), jolie carte des vins et excellent accueil de Mélanie. On évite de rester assis sur la b(l)anquette.

Stupéfiant. 17 rue des Tanneurs, Lyon 9e. Fermé samedi et dimanche. Formule : 19 euros (midi). Menu : 23 euros (midi). Soir du mercredi au vendredi en version assiettes à partager et bar à vins (de 7 à 18 euros).