Le restaurant Noé, qu’on avait connu au stade de chrysalide – le mot “alevin” serait plus adapté –  avec quelques tables en terrasse, est arrivé à pleine maturité. Cette poissonnerie est un peu l’équivalent de ce que l’Argot, restaurant boucherie, est à la viande. C’est-à-dire un lieu ou l’on peut indifféremment partir avec son produit pour le cuisiner à la maison (on ne va pas vous apprendre comment fonctionne une poissonnerie) ou s’attabler pour passer quasiment directement de l’étal à l’assiette. Soit votre nouveau choix quand notre chouchou d’à côté – le Café du Rhône – affiche complet par exemple. Chez Noé, tous les poissons, invertébrés et crustacés en expo sont disponibles cuits à la vapeur, grillés ou meunière (beurre citronné). Si vous avez des doutes sur l’espadon entier, de la taille d’un enfant de 12 ans muni d’une épée, il existe aussi en darnes. En accompagnement, on a le choix exclusif ou cumulatif entre un tartare d’algues (que vous pouvez aussi acheter séparément), des légumes ou un beurre blanc au caviar. Sachant que les samedis et les dimanches midi, le choix est plus large (50 références) et l’ambiance plus festive, du coquillage sauté minute au bar grillé, verre à la main. Ambiance halles, mais après la montée des eaux.

Une baleine de 600 kg !

Revenons en immersion dans notre expérience du soir, où l’on peut plus bourgeoisement faire de la plongée avec bouteilles -rappelons que le Noé de la bible était viticulteur avant l’inondation divine. Il y a une vraie carte avec des plats classiques comme la bouillabaisse  (pas goûté, mais excellente réputation), un pot au feu de poissons fumés (genre cœur de saumon et hareng fumé), pur bouillon qui aurait rencontré un bateau pirate en feu, ou une blanquette de la mer dont la sauce est montée au fumet de poisson, parfumé d’un  soupçon de lavande.  On a prisé l’oursin géant des Glénant (crème, œuf, muscade), plus proche de la boule lyonnaise que de l’habituelle balle de tennis, de même que le tartare de homard, cru, mélangé avec du jus de tête, sumac, lamelles de pommes de terre pimentées, eau de rose. Cependant, il faut savoir que ces deux plats nourrissent plus l’esprit que son marin. Un surcalorique kouign amann aux pralines devrait rétablir l’équilibre. Parmi les curiosités de cet établissement, prônant une cuisine simple, collée serré au produit, mais originale (plusieurs références au Japon, des algues à la mayonnaise), on notera le sourire solaire du patron Ismaël qui peut parler aussi bien lactofermentation que philosophie. Il y a aussi une sorte d’éléphant dans la pièce. Levez la tête : une baleine ! 10 mètres, 17000 pièces de Lego, 600 kg. Elle est un des rares éléments marins de chez Noé à ne pas être comestible.

Chez Noé, atelier de la mer. 22 quai Victor Augagneur, Lyon 3e. 09 81 44 28 65. Du mercredi au vendredi le soir, samedi et dimanche à midi. Carte : compter entre 30 et 60 euros. Photo : Susie Waroude.