Dans le Monde perdu de Conan Doyle, des explo­ra­teurs tombent sur un lieu habité par des animaux préhis­to­riques. C’est un peu l’im­pres­sion que l’on ressent quand on tombe sur le vieux poêle à bois au milieu de la salle antique du Café du Rhône, face au bar. Il date proba­ble­ment de la créa­tion de l’éta­blis­se­ment en 1902, comme une bonne partie du décor : boise­ries sur les murs, surmon­tées de moulures faites du même bois, enca­drant des tableaux en carreaux de céra­mique repré­sen­tant des vues emblé­ma­tiques de Lyon. On les déso­li­da­ri­se­rait presque du mur pour avoir l’île Barbe, l’aque­duc du Gier, la passe­relle Saint-Georges et le pont de la Guillo­tière (celui qui n’existe plus pour cause de bombar­de­ment en 1944)  dans sa salle de bain. Le sol en carreaux poly­chromes est passé, années après années, du statut de sympa­thique kitsche­rie héri­tée des grands-parents, à une œuvre d’art céra­mi­sante forte­ment bran­chée. Autant dire que c’est dans cette petite salle, clas­sée, qu’il faut réser­ver en prio­rité. Mais l’ex­pé­di­tion peut se pour­suivre dans un décor beau­coup plus contem­po­rain et traver­sant jusque dans la salle du fond, de l’autre côté du pâté de maison. Le café de quar­tier que l’on imagi­nait nain est en réalité géant. Le décor c’est bien, c’est beau, mais ça ne se mange pas, à moins d’avoir été réin­carné en termite.

Foie gras maison

On aime beau­coup le style de la cheffe Ophé­lie Renard, qui comme son homo­nyme Wendie Renard, va droit au but, malgré des inti­tu­lés de plats qui peuvent sembler complexe ou inso­lites. Le maque­reau mariné à la vodka (dément), la truite des fjords, sauce clémen­tine et fala­fel, la bûche farcie au céleri et cham­pi­gnon sauce à l’ail noir, n’es­saient pas de jouer dans le bizarre pour faire genre. On est bien assis dans le goût, à base de légumes de saison, panais, topi­nam­bours, butter­nut , blettes, et les plats ne sont pas le résul­tat d’un lancer de confetti. On est vrai­ment au bistrot, et pas dans l’his­toire sans faim. La personne, c’est nous, qui se sera pris un coup de carbon­nade de joue de bœuf pomme de terre dans le ventre après un upper­cut végé­ta­rien de chaus­son au sarra­sin farci aux blettes et chèvre (crème de patates douce, amandes effi­lées) se prive lui-même de 4 heures. On ne parle même pas du chee­se­cake au citron vert et finan­cier. Bref, on est vrai­ment au bistrot, un bistrot où un vent de bonnes idées aurait remplacé la statuaire clas­sique, blanquettes et bour­gui­gnons. Il y aura même du foie gras maison pour les fêtes de fin d’an­née. Non mais. François Mailhes

Café du Rhône. 23 quai Victor-Auga­gneur, Lyon 3e. 04 78 95 44 13. Fermé dimanche soir et lundi.
Formules : 17 euros entrée-plat (midi), 22 euros entrée-plat-dessert (midi), 32 euros (soir). Photos : Susie Waroude.