La restauration a ceci de commun avec les champignons que cela pousse un peu partout, tout d’un coup. L’après confinement n’est pas le désert annoncé. Preuve en est encore l’ouverture récente du Local, dans la rue de la Part-Dieu où l’on trouve déjà parmi les meilleures crêperies de la ville et Copain comme canard spécialisé dans la volaille.

Local très local

Le Local porte bien son nom. La surface en elle-même aurait tout aussi bien pu accueillir un magasin d’informatique ou un serrurier. La façade est tellement banale qu’on s’est amusé à regarder, à travers la vitrine, les amis qu’on avait conviés tourner en rond comme des poules en cherchant la bonne adresse. Le Local s’appelle aussi le Local parce qu’il privilégie fortement les produits locaux. Mais, ce n’est pas une règle en adamantium. Les loups ne viennent pas de la forêt, mais de Méditerranée et au mur se distingue une carte du monde où sont pointés les villes d’origine des clients, dont certains sont nés en Australie.

Morgan de Polignac passé par la Chine

« Je ne suis pas ennemi des paradoxes », nous a répondu en riant le patron, Stéphane, quand on lui fait remarquer que cette planisphère constituait une prime aux pires bilans carbone de la population. C’est donc sur de bonnes bases que nous avons balayé avec un plaisir, sans trou d’air, la carte du déjeuner. La soupe de betterave et carottes n’est pas qu’une jolie représentation en tourbillon hypnotique (mangez-moi je le veux…), c’est très bon. Les deux légumes s’accordent sans se cannibaliser. Un cercle de crème de sésame et un petit crumble salé achèvent une élégante osmose.

Les grands bonheurs de la reconversion

L’autre entrée, un pressé de bœuf, classique d’apparence, partait en ruades avec son jus réduit et des pickles d’oignon à la badiane. Un peu la manade à l’heure du pastis. Le wok de poulet fermier évoluant en plein champ de carottes sous giboulées d’épeautre était une réussite d’assaisonnement, de petit goûts qui vous attendent cachés au coin de l’assiette (géométriquement, pour un plat rond c’est une aberration, mais on se comprend). Le filet de loup, jus aux agrumes et sauce café crème, la tartelette au chocolat et caramel au beurre salé : tout bien, tout compréhensible, tout en finesse, sans faute de carre. Cela sent le sérieux et l’enthousiasme. Rien d’étonnant, quand on apprend que le chef, Morgan de Polignac (un nom vieux comme les croisades qui parle en cuisine classique : les fameux « œufs à la Polignac » bardés de lamelles de truffe, miam), après avoir fait des études supérieures de Chinois et de littérature française contemporaine a ressenti l’appel de la cuisine. On peut être bardé de diplômes et préférer barder un rôti. Tant mieux pour la cuisine.

Morgan et Stéphane vous attendent pour des menus surprise le soir.

Le Local. 105 rue de la Part-Dieu, Lyon 3e. 04 26 63 61 36. Du lundi au vendredi à midi et les jeudi et vendredi soir. Formule : 21 euros (midi). Menu : 24 euros (midi), 37 et 46 euros en menus du soir surprise : par exemple, il y a eu des plats comme un bonbon de porc, blette, condiment cacahuète ou une volaille au thé fumé, jus réduit, chou en deux cuissons, gingembre…