Cellules éclai­rées au néons, grands décors mobiles permet­tant de passer d’une séquence à l’autre en recom­po­sant sans cesse le plateau jusqu’au tour­noie­ment, Claude repre­nait l’uni­vers habi­tuel du metteur en scène Olivier Py et de son scéno­graphe atti­tré, Pierre-André Weitz.

On n’a jamais visité la prison de Clair­vaux, mais on s’y croi­rait. Aussi bien pour la recons­ti­tu­tion archi-réaliste de l’uni­vers carcé­ral, que pour le réalisme des condi­tions des déte­nus, combat d’une vie pour Robert Badin­ter. Le choix de la maison de Clair­vaux ne doit rien au hasard. Non seule­ment elle figure dans le livre sur Claude Gueux de Victor Hugo. Mais surtout c’est dans cette prison que maître Badin­ter défen­dra sa première grande affaire crimi­nelle en 1971, enta­mant son combat contre la peine de mort.

Rage du prison­nier condamné à mort, déses­poir face à l’injus­tice, séquence de viol stupé­fiante ou bastons admi­nis­trées par la gardiens, Badin­ter dépeint tout cela dans son livret. Il aura trouvé en Olivier Py le metteur en scène idoine pour traduire ses inten­tions sur scène. Comme le bon musi­cien, en la personne de Thierry Escaich.

L’ex­tra­or­di­naire décor carcé­ral pour Claude, sur un livret de Robert Badin­ter. (photos B. Stofleth)

Claude, exquis Escaich

Bataille d’une vie pour Robert Badin­ter, Thierry Escaich fait de ce combat pour l’hu­ma­ni­sa­tion des prisons une musique incroya­ble­ment expres­sion­niste, où l’on retrouve un peu du feu de la Lulu d’Alan Berg. Percus­sions inces­santes, vibra­phone, harpe, piano, utili­sa­tion du choeur repris sur le plateau en fond de scène comme un peuple de compas­sion, orgue synthé­tique pour marquer la rupture du drame lorsque Claude se retrouve séparé d’Al­bin, la musique d’Es­caich palpe en perma­nence les tensions psycho­lo­giques et les conflits inté­rieurs de person­nages, jusqu’à produire des climax verti­gi­neux. Mais elle a aussi le sens du repos, notam­ment lors du finale, splen­dide, où Claude se réfu­gie dans son imagi­naire affamé au moment où la guillo­tine s’avance sous des flocons irréels.

Badin­ter, un combat pour l’hu­ma­ni­sa­tion des prisons

Peu d’opé­ras, et encore moins contem­po­rains, abordent aussi fron­ta­le­ment des sujets aussi forts que l’op­pres­sion dont ont été victimes les prison­niers et les homo­sexuels. En plus d’avoir aboli la peine de mort, Robert Badin­ter se souve­nait aussi avoir dépé­na­lisé l’ho­mo­sexua­lité en France, en 1982…

noire beauté de ce Claude, c’est de parve­nir à faire exis­ter le temps d’une musique toutes les émotions humaines qui vont être broyées par la machine judi­ciaire. La vie de la prison, c’est la vie inté­rieure de ceux qui la peuplent, leurs fantasmes, leurs besoins, leurs pensées, avant qu’ils ne soient anéan­tis par la déshu­ma­ni­sa­tion des condi­tions de déten­tion.

Avec Claude, le mélo­mane Robert Badin­ter (qui jouait aussi Mozart au piano pour son plai­sir) avait réussi à mêler la force de ses combats pour la justice en un opéra qui a fait date, sorti depuis en DVD aux éditions Bel Air. Une créa­tion mondiale qu’on devait à l’Opéra de Lyon et à son direc­teur de l’époque, Serge Dorny. Et qu’on espère revoir bien­tôt sur scène.

Claude, un opéra de Thierry Escaich sur un livret de Robert Badin­ter. Mise en scène Olivier Py pour l’Opéra de Lyon.

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