Une pause-pipi et ça commence : un enfant en culotte courte surprend ses justiciers préférés, les Tabac-forces, en pleine lutte avec une tortue d’un autre monde le temps d’emprunter les jumelles de son papa (pour être sûr de ce qu’il a bien vu).

La tortue finira dans un jet d’hémoglobine tout ce qu’il y a de plus enfantin, avant que le robot de ce Star Wars façon arte povera nettoie les costumes bleu et jaune moulants de cette fine équipe branchée comme Quentin Dupieux les aime : Anaïs Demoustier décidément en roue libre, Vincent Lacoste égal à lui-même – ses petites fesses blanchies par le rocher sur lequel il est resté assis -, Jean-Pascal Zadi et Oulaya Amamra.

Comme à son habitude, Dupieux prend rapidement la tangente et on a très peur quand chacun commence à raconter une histoire « flippante », mais si possible « intéressante » en flashback. Dupieux délaisse son point de départ : faux rythme, esprit de sérieux dans l’absurde, absence totale de direction d’acteurs (mon Dieu Blanche Gardin…), même la barracuda pêché par Gilles Lellouche (sic) finit par avoir quelque chose à dire !

Fumer fait tousser, Dupieux fait réfléchir sur la vieillesse

Dans cet assemblage de courts métrages fait de bric et de broc, chacun tente de survivre à son propre corps (de vieillesse, de retour dans le temps ou d’isolement dans un « casque à pensées » qui débouche sur une scène de meurtres en caméra subjective…).

Design vintage contre monde aseptisé et mécanisé, le gore côtoie l’humour noir d’une bouche qui parle après un broyage intensif (mais sans douleur) et Dupieux pratique une satire sourde en forme de mélange des genres souvent pour le meilleur.

Gilles Lellouche à la pêche du barracuda dans Fumer fait tousser.
Gilles Lellouche et son barracuda.

Alain Chabat et Benoît Poelvoorde en guest-stars délices

En chef à distance de cette meute de bras cassés sans tête, Alain Chabat fait des merveilles dans son poste de télévision noir et blanc (et un peu en couleur), en hommage exquis au Téléchat enfantin de Roland Topor. C’est lui qui trouvera la recette magique (qu’on vous laisse découvrir) pour quitter ce monde trop cruel et trop crétin.

Le temps d’avaler sa soupe galactique, et le grand méchant Benoît Poelvoorde en Lézardin balafré façon Fantômas tombe le nez dans son assiette dans un sommeil profond. Le « changement d’époque » est « en cours » d’un baiser baveux métissé mi-humain mi-peluche qui a autant la saveur de « l’amour » que Quentin Dupieux celui du cinéma revenu à son plus simple dessein : abolir le temps pour garder une part d’enfance en attendant la mort, dont on espère qu’elle viendra dans une galaxie lointaine, très lointaine…

Fumer fait tousser de Quentin Dupieux (Fr, 1h17) avec Gilles Lellouche, Vincent Lacoste, Anaïs Demoustier, Jean-Pascal Zadi, Oulaya Amamra, Alain Chabat, Benoît Poelvoorde, Adèle Exarchopoulos, Doria Tillier, Grégoire Ludig, David Marsais… Sortie le 30 novembre.

Les Tabac-forces en costumes bleus au milieu des enfants en sang dans Fumer fait tousser.
C’est pas beau d’éclabousser les enfants avec du sang.