Après Pupille sur l’adoption, Jeanne Herry continue de faire du cinéma pour “être utile” pour reprendre le titre de la chanson de son père, Julien Clerc. La principale vertu de ce film au titre mal choisi est de mettre en lumière un dispositif mal connu, la “justice restaurative”, qui instaure un dialogue entre auteurs et victimes d’agressions de tous ordres. Pourquoi en faire une fiction plutôt qu’un documentaire ?

Je verrai toujours vos visages, une fiction pour un documentaire

C’est la question qu’on s’est posée pendant les deux heures de ce film soigné et bien intentionné, mais qui par définition ne peut pas toucher à la catharsis vécue par des victimes dans la mesure où il est joué par des acteurs connus. Aussi bons soient-ils, on les voit tout le temps en train de composer leurs rôles de gens ordinaires qui ne vont pas bien.

D’autant qu’ils sont distribués dans des rôles attendus :  Leïla Bekhti en jeune caissière de banlieue en colère, Gilles Lellouche la clope au bec et les Tinderland au pied qui fume sa rage avant qu’il n’ait droit lui aussi à son couplet de colère, Elodie Bouchez en assistante toujours plus attentionnée, Darroussin en accompagnant à l’écoute on ne peut plus sympathique, ou encore Miou-Miou, mère de la cinéaste, en mamie qu’on aurait envie d’adopter. En laissant à Birane Ba et Dali Benssalah – moins connus mais formidables – le soin d’incarner les délinquants… sans pour autant aborder les sujets qui fâchent, comme la religion en prison.

Birane Ba de la Comédie-Française, et Dali Benssalah, deux superbes acteurs dans de mauvais rôles…

Fiction artificielle et sur-casting de rôles attendus

Le “long combat” dont parle Je verrai toujours vos visages pour qualifier ces échanges particuliers au long cours, se transforme ici en une messe pour acteurs connus en mal de crédibilité ordinaire. Tout ça est bien fait, assez jargonneux pour faire encore plus vrai, mais tué dans l’oeuf tant la fiction est artificielle. D’autant que la construction à part du récit d’une autre victime parallèle d’abus sexuels (c’est Adèle Exarchopoulos qui s’y colle) détourne de la réunion centrale des protagonistes, comme la multiplication des seconds rôles inutiles, comme Denis Podalydès en simple apparition… Dommage. On préférait quand Jeanne Herry était plus originale, plus simple et plus légère, comme dans son premier film, Elle l’adore avec Sandrine Kiberlain.


Je verrai toujours vos visages de Jeanne Herry (Fr, 1h58) avec Leïla Bekhti, Adèle Exarchopoulos, Elodie Bouchez, Miou-Miou, Gilles Lellouche, Birane Ba, Dali Benssalah, Jean-Pierre Darroussin… Sortie le 29 mars. Désormais disponible sur Canal.