Véritable film japonais, tant dans son esthétique que dans son essence, Perfect Days sonne comme la fusion finale entre Wim Wenders et Yasujiro Ozu, son « sensei » de cinéma. On y suit le quotidien d’Hirayama (magnifiquement interprété par Kōji Yakusho récompensé à Cannes), modeste quinquagénaire chargé de l’entretien des toilettes publiques à Tokyo. Chaque matin, il débute sa journée dans un petit duplex en arrosant ses plantes, en rangeant son futon près d’une grande étagère remplie de livres et de cassettes, tout en s’attardant devant sa porte pour respirer l’air matinal avant de se rendre au travail dans sa mini-fourgonnette, soigneusement approvisionné en produits de nettoyage.

Cela ne se voit pas forcément sur son visage ridé, mais Hirayama apprécie son métier et prend du plaisir à nettoyer ces toilettes aux designs architecturaux audacieux. Tout comme il apprécie ses pauses déjeuner quotidiennes dans le même parc – où il prend des photos argentiques de la nature, et admire les motifs de lumière scintillants avec son œil malicieux et son sourire si sincère. Le soir, il s’installe dans un petit bouiboui local pour une bière et un repas chaud avant de rentrer chez lui pour lire un peu de poésie (William Faulkner) avant de dormir.

Perfect Days. Wim Wenders

Routine Poétique

Le quotidien d’Hirayama se répète, mais ne lasse jamais. Au contraire, la beauté du rythme régulier de ses journées émerge paradoxalement quand on commence à en percevoir les variations. Au fur et à mesure du récit, Wim Wenders explore les liens que celui-ci noue avec les tokyoïtes, les commerçants du quartier ou son jeune collègue fainéant (Emoto Tokio). On découvre alors un homme à la fois ordinaire, complexe, drôle et bienveillant qui trouve son bien-être dans la photographie, la lecture, et dans l’écoute des standards du rock sur cassettes audio (Van Morisson, Patti Smith, Otis Redding et bien sûr Lou Reed).

Perfect Days. Wim Wenders

L’irruption soudaine de sa nièce fugueuse vient perturber sa routine et révèle également sa construction délibérée : défense contre une vie passée qu’il ne veut pas récupérer. Cependant, l’approche de Wim Wenders est dénuée de cynisme. Le réalisateur dévoile pudiquement les fissures d’Hirayama sans le présenter comme un mensonge ambulant, mais plutôt comme une représentation véridique de la façon dont la vie devrait être vécue.

Une fois réunis, ces infimes détails, morceaux d’une existence qui, individuellement, semblent insignifiants, tissent un récit touchant sur l’équilibre vulnérable de la vie et le contentement. Promenant son regard avec poésie, Wim Wenders nous emmène dans un road trip intime émouvant et déploie toute la vie d’Hirayama à l’écran jusqu’à une sublime séquence finale sur son visage souriant éclairé par les rayons du soleil levant alors que résonnent les cuivres de Feeling Good de Nina Simone.

Perfect Days de Wim Wenders (Jap, 1h59) avec Kōji Yakusho, Tokio Emoto, Arisa Nakano… Sortie le 29 novembre.

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