Avec Catherine Deneuve (prix Lumière 2016), c’est la plus grande actrice française. Avec ce petit bonheur en plus de l’avoir sur scène, notamment chez Bob Wilson. C’est toute l’envergure d’Isabelle Huppert, reine incontestée du cinéma français. Non seulement pour ne pas s’arrêter de tourner, du Elle de Verhoeven jusqu’à La Syndicaliste, son dernier grand rôle chez Jean-Paul Salomé, en passant par des « petits » films comme À propos de Joan. Mais aussi ne pas s’arrêter de jouer en reine de la scène qui a besoin comme une gymnastique de faire sa centaine de dates par an. L’avoir vue aux Célestins, seule en scène, dans Mary Said what she said de Bob Wilson reste un moment exceptionnel, digne des très rares monstres sacrés. Total respect.

Les taches de rousseur d’Isabelle Huppert

Isabelle Huppert dans Le Juge et l’assassin de B. Tavernier.

Mais contrairement à la Deneuve, sa gymnastique cinématographique a pu s’enfermer avec le temps dans l’intello du cinéma d’auteur un peu hautaine – parfois jusqu’à la caricature. Seul François Ozon aura su lui redonner goût à la comédie dans les dernières années, de 8 Femmes à Mon Crime. Mais il faut se souvenir de ses premiers rôles de garce pour saisir toutes les possibilités de cette actrice aussi instinctive qu’intelligente.

Isabelle Huppert chantant Message personnel dans Huit femmes de François Ozon.

Ses taches de rousseur et bas résille faisaient tourner de l’œil Thierry Lhermitte et Coluche, rien qu’en passant l’aspirateur dans La Femme de mon pote de Blier. Et son rire était on ne peut plus contagieux dans Coup de foudre de Diane Kurys, en voyant Jean-Pierre Bacri rater son numéro de mime sur les pentes de la Croix Rousse.

Isabelle Huppert / Chabrol : Une affaire de femmes

Isabelle Huppert dans Une Affaire de femmes de Claude Chabrol.

C’est Bertrand Tavernier qui en fera un second rôle bouleversant et engagé, jeune femme violée par le juge dans Le Juge et l’assassin en 1976. Le drame va lui ouvrir ses portes avec Violette Nozière de Claude Chabrol deux années plus tard. Il deviendra son réalisateur fétiche, animal au sang froid pour actrice au sang chaud et la moue éternellement naïve.

Ils feront plus d’une demi-douzaine de films ensemble, dont plusieurs chefs-d’œuvre : La Cérémonie avec Sandrine Bonnaire, et Une affaire de femmes, sans doute son plus grand rôle, celui d’une avorteuse mère de famille, dernière femme à être guillotinée en France. Un rôle qui résonne encore plus fort aujourd’hui, pour une actrice qui s’est toujours tenue à l’écart des débats publics, habilement cachée derrière les mystères et les agissements inexpliqués de ses personnages.

Elle de Paul Verhoeven, un véritable rôle-festival pour Isabelle Huppert.

Dans un véritable rôle-festival, Paul Verhoeven lui offrira avec Elle, une sorte de variation ironique autour de l’univers très français de Chabrol. Polar en forme de comédie perverse dans laquelle elle incarne une patronne de jeux vidéo coquins qui tient tête à son violeur jusqu’à le provoquer, elle y trouve son plus grand terrain de jeu. Entre instinct de l’action pure, dialogues vachards, plaisir de jouer aux fantasmes les plus débridés et discrète ironie, elle y est phénoménale. « La honte, ce n’est pas un sentiment assez fort pour nous empêcher de commettre quoi que ce soit », avoue-t-elle à la fin du film. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Huppert n’a jamais eu honte de jouer qui que ce soit.

Huppert, icône internationale aux choix audacieux

Kris Kristofferson et Isabelle Huppert dans La Porte du paradis de Michael Cimino. (1980, Carlotta films)

Car Isabelle Huppert n’est pas seulement une actrice française. Elle est aussi devenue une icône internationale, notamment en devenant une véritable ambassadrice du chef-d’œuvre de Michael Cimino, La Porte du paradis, dont la vision était contestée dans son propre pays. Elle était d’ailleurs déjà venue le présenter au festival Lumière. Artistiquement engagée, comme Deneuve, elle aura su faire des choix audacieux et défendre un cinéma de création indépendant, que ce soit celui de Hal Hartley ou Curtis Hanson aux Etats-Unis, ou celui de Hong Sang-Soo en Corée. La grande actrice se double aussi d’une grande cinéphile. Son prix Lumière n’en est que plus sensé.

La chanson de Barbara Schöneberger sur Isabelle Huppert.

Isabelle Huppert recevra le 16e prix Lumière le vendredi 18 octobre 2024 à l’Amphithéâtre de la Cité Internationale, Lyon 6e.

Isabelle Huppert, seule en scène dans Mary Said what she said de Bob Wilson. (Lucie Jansch)

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