Engoncé dans ses bottes d’époque, Polanski rejoue l’injustice de l’affaire Dreyfus en se donnant le beau rôle du vieux prof. Son film le plus passé et compassé, édifiant, avec un casting 5 étoiles, Jean Dujardin et Louis Garrel en tête.

Mettons un instant de côté les accusation contre Roman Polanski pour se concentre sur son dernier film portant – comme c’est drôle – sur une affaire judiciaire… Accessoirement le plus gros scandale de l’histoire de l’armé française : l’affaire Dreyfus. De là à se donner le beau rôle en parallèle, il n’y a qu’un pas, mais on laissera le soin à son psy (sa psy ?…) de le traiter…


Revoilà donc ce personnage sorti de nos livres d’Histoire de troisième, capitaine accusé à tort d’avoir transmis des notes secrètes à Berlin, coupable idéal parce qu’il était juif (Louis Garrel, toujours impressionnant acteur de composition). Comme il a passé plusieurs années emprisonné sur l’île du Diable en plein milieu de l’Atlantique, le réalisateur a choisi de raconter l’affaire via le point
de vue du lieutenant-colonel Picquart (Jean Dujardin, toujours impressionnant acteur de composition), sauveur providentiel de Dreyfus d’autant plus inattendu que ce militaire était connu pour ses compositions antisémites (personne n’est parfait, surtout pas Polanski).

Dreyfus vs Polanski

Pour traiter d’une affaire aussi délicate, Polanski adopte la mise en scène la plus austère qu’il ait jamais réalisé, à la façon d’un instituteur de la IIIe République. Pas le moindre humour (c’est rare chez lui), pas un bouton de culotte ne manque, on fait trois fois le tour de chaque couloir au bruit des bottes pour nous montrer qu’il s’agit bien d’un film sérieux, dans des intérieurs tristes et mal éclairés. Dans une de ses plus mauvaises interprétations, la propre femme du cinéaste, Emmanuelle Seigner, viendra jouer les avocates de Dreyfus (et par ricochet du cinéaste) dans une scène franchement inutile.

André Marcon en Emile Zola avec Melvil Poupaud.

Heureusement, le casting 5 étoiles nous embarque malgré tout dans ce thriller historique en pantoufles (Dujardin, Garrel, Poupaud, Amalric et le génial Hervé Pierre de la Comédie-Française, ça manque un peu de femmes, mais c’est que du bon ). En toile de fond, malin comme un singe, Polanski brosse l’antisémitisme « naturel » des Français à cette époque et la succession d’amalgames qu’on retrouve plus vrais que nature dans une certaine France d’aujourd’hui (suivez mon regard sur la gauche de l’hémicycle). A voir donc, si vous aimez les couloirs d’époque, que vous êtes passionnés d’histoire ou que vous passez vitre brevet des collèges cette année. Profitez-en, c’est gratuit : il n’y aura même de droits d’auteur pour le réalisateur sur son compte en Suisse.

J’accuse de Roman Polanski (2019, 2h12) avec Jean Dujardin, Louis Garrel, André Marcon, Grégory Gadebois, Hervé Pierre, Michel Vuillermoz… Dimanche 25 juin à 21h10 sur France 2.