« Vous êtes si agiles pour vous élever par la chute d’un roi légi­time« … Voilà comment Richard II, à la fois lucide et foule, parle de sa cour, dans cette pièce mécon­nue qui pourra servir d’exact revers de la médaille à Richard III. Traîtres, sang qui se déverse pour conqué­rir le pouvoir, royaume « cein­turé de honte » et roi bouf­fon et arbi­trai­re… bien­ve­nue dans le monde moderne de Richard II !

La scéno­gra­phie gran­diose de Richard II, prolon­gée en fond de scène. (photo Chris­tophe Raynaud de Lage)

Chris­tophe Rauck en fait une BD graphique à la scéno­gra­phie gran­diose dans laquelle on passe d’un lieu à l’autre de l’An­gle­terre. La folie y est posée comme un préa­lable et le déta­che­ment souve­rain de sa mise en scène tout à son esthé­tique finit parfois par nous éloi­gner un peu trop du plateau. Cape et d’épée, musique rock d’Angels of light, vagues d’océan qui enva­hissent le plateau ou travées d’as­sem­blée déser­tée qui le prolonge à perte de vue, si l’on perd parfois de vue les enjeux de la pièce, c’est avant tout le grand spec­tacle désolé qui vient habi­ter cette drôle de tragé­die soli­taire.

Même le Vati­can vient au chevet de Richard II. (photo Geral­dine Ares­teanu)

Micha Lescot, Roi Lear junior

Drôle, car c’est l’ac­teur le plus origi­nal de la scène actuelle, sorte de Fabrice Luchini du théâtre public qui habite ce corps du roi. Imma­culé de blanc comme un person­nage naïf, Micha Lescot débute la pièce dans un costume de dandy en faisant la Moon­walk avant de termi­ner en chemise de nuit, pieds nus, oublié dans les oubliettes, ahuri comme un Roi Lear junior.

Dégin­gandé, noncha­lant, la voix traî­nante de ténor haut perchée, Micha Lescot est lui aussi un person­nage de BD unique sur la scène théâ­trale. Un trublion du drame. Si l’usage de la vidéo finit par enca­drer une cage de scène comme si le drame finis­sait par se jouer sans nous, la présence-absence de ce mélan­co­lique crapa­hu­tant comme un insecte – sur le dos, les quatre membres s’agi­tant en l’air pour mimer l’arai­gnée – est l’atout prin­ci­pal de ce drôle de drame.

My true Body des Angels of light, une des musiques du Richard II de Chris­tophe Rauck.