Il y a deux films dans le dernier Anne Fontaine. Le portrait d’un Ravel secret, élégant enfermé dans sa musique, véritable biopic de l’enfance à la mort. Et le fameux Bolero, méga-tube de la musique classique dont on nous rappelle au générique de fin qu’il ne se passe pas un quart d’heure sans qu’il ne soit joué quelque part dans le monde.

Bolero pour les nuls

Tout se passe comme si Anne Fontaine avait voulu sur-vendre le Bolero pour mieux s’intéresser aux failles du compositeur. Des bruits mécaniques de l’usine qui ouvre le film au tic tac du réveil, le rythme du Bolero est lourdement souligné tout du long. Dommage que la fameuse création du ballet à l’Opéra Garnier ne soit pas le meilleur moment du film, la séquence post-mortem finale dansée par François Alu étant beaucoup plus impressionnante que les sinuosités de Salomé maniérées de Jeanne Balibar, idoine pour jouer la bourgeoise puante commanditaire.

Raphaël Personnaz, sensuel et secret comme Ravel

Doria Tillier incarne l’amour secret de Maurice Ravel.

Ce Bolero pour les nuls est d’autant plus regrettable que l’évocation de la musique et de la personnalité de Ravel sont autrement plus belles, portées par un Alexandre Tharaud au piano, qu’on voit même apparaître en Lalo, critique infatué de l’époque. Raphaël Personnaz est magnifique d’intellect en marche et de sensualité lisse, particulièrement dans son rapport tantrique à la gente féminine.

C’est quand le film aborde le mystère solitaire de Ravel et ses autres musiques qu’il est le plus réussi, de la découverte du jazz aux Etats-Unis à l’infirmité – grand motif ravélien – au moment de la guerre. « La beauté est une chose sérieuse » dit ce spectateur de sa propre vie, jusqu’au bordel, où la sensualité des gants sur la peau lui importe plus que de faire l’amour.

L’insatisfaction des échecs et des amours empêchées apportent beaucoup plus à la sublimation par la musique que les clichés pour nous vendre un tube qui était tout sauf une espagnolette, et dont le compositeur lui-même ne voulait pas. Dommage.

Bolero d’Anne Fontaine (Fr, 2h) avec Raphaël Personnaz, Doria Tillier, Jeanne Balibar, Emmanuelle Devos, Vincent Pérez, Serge Riaboukine, Alexandre Tharaud, François Alu… Sortie le 6 mars.

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