Il est malin Alex Garland, sous ses airs de pas y toucher. Civil War est un vrai film de fiction sur une guerre civile améri­caine imagi­nai­re… Suffi­sam­ment proche et réaliste pour être constam­ment crédible, mais tout aussi opaque sur les moti­va­tions et les appar­te­nances de ses diffé­rents acteurs pour surprendre sans cesse.

Kirs­ten Dunst, photo­graphe de la guerre civile

Kirs­ten Dunst et Wagner Moura.

Dès le début du film, le discours de « victoire » qu’est en train de répé­ter un Président des États-Unis en route pour un troi­sième mandat est déjà entre­coupé de séquences d’émeutes et d’exac­tions de toutes sortes à la façon des guérillas urbaines. Car le film va épou­ser le point de vue d’une photojour­na­liste capée (Kirs­ten Dunst, très focus), traver­sant les États-Unis de New York à Washing­ton avec une appren­tie fan d’elle, et un flic en civil un peu agité du bocal (Wagner Moura, en sosie améri­cain d’Oli­vier Minne).

Les scènes de guerre de Civil War.

Ce prétexte au road trip façon série B permet à Alex Garland de radio­gra­phier son pays à sa guise, à travers le point de vue à la foi neutre et impliqué des jour­na­listes de guerre. L’oc­ca­sion pour lui d’al­ter­ner, sur un faux rythme entre cooli­tude à la Soder­bergh (esthé­tisme et BO fun afro-améri­caine), et séquences d’ul­tra­vio­lences jusqu’aux exécu­tions à bout portant à ne pas mettre sous tous les yeux. Avec une pointe d’iro­nie macabre (la séquence de la vendeuse qui préfère de ne pas savoir ce qui se passe mais veut bien faire essayer une robe…).

À l’as­saut de la Maison Blanche

Avec le budget mini-holly­woo­dien des produc­tions A24 (La Zone d’in­té­rêt ou Mise à mort du cerf sacré), Civil War se permet de sortir blin­dés et héli­cos de la véri­table armée améri­caine. Même si le troi­sième acte à l’as­saut de la Maison Blanche, tourné en studio, s’il reste effi­cace, appa­raît plus arti­fi­ciel. La singu­la­rité du film reste avant de montrer l’hor­reur d’une guerre civile à travers un pur film d’ac­tion, évitant toute psycho­lo­gie et toute cause socié­tale clai­re­ment iden­ti­fiée.

Traver­sée sanglante de l’Amé­rique

Le cri sourd de Wagner Moura au milieu de soldats non iden­ti­fiés.

Ni wokiste, ni anti-trum­piste, Civil War se termine d’ailleurs le temps d’un échange de balles à la White House par un face-à-face meur­trier entre deux femmes noires. Entre­temps, des char­niers intem­pes­tifs aux milices iden­ti­taires parti­cu­liè­re­ment suscep­tibles, il nous aura livré un poème macabre en forme de traver­sée sanglante d’une Amérique en état d’apo­ca­lypse. Et ne nous aura rien épar­gné de l’ul­tra-violence améri­caine, que les cris sourds de ses person­nages brisés par la réalité, couverts par la musique ou le bruit des gâchettes. Un choc.

Civil War d’Alex Garland (EU, 1h45) avec Kirs­ten Dunst, Wagner Moura, Cailee Spaeny, Stephen McKin­ley Hender­son… Sortie le 17 avril.