C’est un biopic clas­sique, qui remonte le temps d’une « vie de combats » de l’Abbé Pierre. Mais qu’est-ce que c’est bien filmé ! Paysages de Crest ou de la Maurienne, du Lyon de la Deuxième Guerre mondiale ou du « Neuilly plai­sance » où Henri Grouès devenu l’Abbé Pierre élira sa commu­nauté d’une « frater­nité sans repos« .

La première qualité de ce beau film grand public de Frédé­ric Tellier (qui n’en avait pas manqué ni dans Goliath ni dans L’Af­faire SK1), c’est d’évi­ter tout misé­ra­bi­lisme pour rester au cœur des combats, en en filmant le sens au quoti­dien. Depuis Jeanne Du Barry où il volait la vedette à Johnny Depp, on connaît toute l’in­té­rio­rité dont Benja­min Lavernhe est capable, en plus de ses talents comiques hors norme. En traver­sant le temps (il est parti­cu­liè­re­ment crédible en vieil abbé des dernières années), il incarne cette luci­dité en marche de « la voix des sans voix » avec une force d’âme et une humi­lité qui imposent le respect.

L’Abbé Pierre, député à l’As­sem­blée natio­nale. (photos Jérôme Prébois)

Benja­min Lavernhe, entre inti­mité et luci­dité des combats

La Résis­tance (quitte à exécu­ter un traître, scène glaçante), la dépu­ta­tion, la créa­tion d’Em­maüs puis la lutte pour les sans-abri avec des actions et des discours qui réha­bi­litent la poli­tique, Lavernhe sait aussi faire vivre l’in­ti­mité (rela­ti­ve­ment secrète) de celui qui gardera la mémoire d’un cama­rade soldat jusqu’à son dernier jour, avec une capa­cité d’en­traî­ne­ment peu commune (les scènes avec Michel Vuiller­moz en ex-suici­daire sont parti­cu­liè­re­ment émou­vantes).

L’Abbé, icône média­tique luttant pour les sans-abri.

Jamais dans la posture mora­li­sa­trice ni dans la bien-pensance, le film n’élude pas les ambi­guï­tés du person­nage (la bête média­tique ou l’ac­cu­sa­tion d’an­ti­sé­mi­tisme), mais les résout dans la fidé­lité à un parcours poli­tique hors du commun, lucide jusqu’au bout (« j’ai dit « ta gueule » à Le Pen deux fois !« ). Qui nous laisse en plan, face à notre conscience sociale, en utili­sant très bien des images d’ar­chives en plus d’une réali­sa­tion qui nous rend ces combats essen­tiels toujours présents. Du très bon cinéma popu­laire et engagé.

L’Abbé Pierre, une vie de combats de Frédé­ric Tellier (Fr, 2h17) avec Benja­min Lavernhe, Emma­nuelle Bercot, Michel Vuiller­moz… Sortie le 8 novembre.