Il y a peu de monstres sacrés qui avaient l’allure d’un grand nounours aussi gentil. Il était né aux Etats-Unis d’une mère de l’URSS et d’un père du Montenegro, et c’était un fidèle de Piano à Lyon et des orchestres lyonnais. Enfant de l’Europe de l’Est par ses parents musiciens, Nicholas Angelich jouait partout, pour tout le monde, et ce n’est pas un vain mot, surtout aujourd’hui. La musique russe comme la musique allemande ou française sur les plus grandes scènes internationales. On l’avait vu jouer une chaussette trouée à la cheville tant il ne vivait que par la musique en se fichant des apparences, sortant à peine coiffé de sa chambre d’hôtel. D’une timidité maladive, cherchant ses mots, il était toujours disponible. Mélancolique de nature selon l’âme slave de ses parents, il était telllurique quand il se mettait à un piano. Et pouvait jouer à travers le monde comme sur la petite scène du village de Rochebonne dans le Beaujolais pour trois fois rien, chez son ami Hervé Billaut. “Je ne fais aucune différence entre les publics” disait-il. “Il importe de rester vrai, d’agir selon ses besoins, en accord avec ses convictions.” Pour celles et ceux qui aiment le piano, Nicholas Angelich était un ami. Il jouait la musique pour “se sortir de lui-même” comme il disait et de cette maladie respiratoire dégénérative qui l’a emporté. Il nous emmenait toujours avec lui. Et comme une foule de gens à Lyon et Nicholas Angelich m’a donné beaucoup trop de bonheur pour ne pas tapoter à mon tour sur mon clavier, quelques mots pour ce pianiste qui fut une des plus belles rencontres musicales de ma vie. Vive les beaux jours, ils lui doivent beaucoup.