Une ouverture pimpante du Rousslan et Ludmila de Glinka, et le voilà. Encore convalescent de sa blessure au bras, pour le concert de début de saison de l’Auditorium, Evgeny Kissin a préféré échangé le 3e de Rachmaninov avec le concerto n°23 de Mozart et son célébrissime mouvement lent, une de ses mélodies les plus célèbres. La salle était comble, et on n’a pas perdu au change. D’abord parce que non seulement Kissin, déjà venu en récital à Lyon aux Grands interprètes, joue rarement avec orchestre, mais encore plus rarement Mozart. Ensuite parce que son Mozart est unique, bondissant, très proche du rendu du pianoforte, épousant la vivacité d’un ONL en pleine forme dont Nikolaj Szeps-Znaider – grand interprète des concertos de Mozart au violon – maîtrise tous les ressorts, avant de laisser s’étouffer les fins de phrases comme le chagrin.

Znaider reconduit à la tête de l’ONL jusqu’en 2027

Son compact, ductile, galopant comme une soubrette des Noces ou en attente de dialogue attentif au soliste, on mesure déjà tout le travail accompli par Znaider avec Beethoven à la tête de l’ONL (ne ratez pas l’Héroïque la semaine prochaine). Le chef vient d’ailleurs d’être reconduit jusqu’en 2027 comme directeur musical. Mozart fait tout autant merveille sous les doigts de Kissin, qui semble toujours en quête de musique comme d’une libération. On y entend tout : le contrepoint de Bach dans la façon de poser sa main gauche dans le mouvement lent, un détaché presque rock typique de la verve mozartienne quand elle est irrésistible, et les premiers élans romantiques qui lui succéderont. Mozart, la musique qui l’a précédé et celle qui lui succédera en une seule interprétation. 25 minutes de bonheur auxquels succède 25 minutes de bis et d’applaudissements. C’est ce qui s’appelle une star.

Kissin, l’âme slave d’un grand pianiste

Evegny Kissin, un salut entre deux bis.

La sonate alla turca en premier bis est dans le même esprit guilleret de pianoforte fleuri avec des glissandi d’orfèvre. Avant que l’âme slave de ce naturalisé Britannique né à Moscou ne nous fasse basculer dans la seconde partie du concert le temps d’une valse de Tchaikovski qu’on jurerait dirigée par Gergiev, jetée comme un sauvetage dilettante de ce qui reste des sentiments. Kissin est bouleversant, même en convalescence. La seconde partie avait ce qu’il faut de chien pour un concert d’ouverture à travers la suite d’orchestre de La Belle au bois dormant (toujours signée Tchaikovski). On préférait quand même quand Kissin réveillait la bête. En solo ou en concerto, vivement qu’il revienne. Le jeune prodige est devenu grand, et encore plus émouvant.

Evegny Kissin, 23e concerto de Mozart avec l’ONL. Direction musicale Nikolaj Szeps-Znaider. Jeudi 22 septembre à l’Auditorium, Lyon 3e.

Beethoven, Symphonie Héroïque avec Nikolaj Szeps-Znaider et l’ONL (+ concerto pour violon 2 de Prokoviev par Sergueï Krilov. Vendredi 30 septembre à 20h et samedi 1er octobre à 18h à l’Auditorium, Lyon 3e.