Avez-vous retrouvé chez Natalia Ginzburg vos thèmes de prédilection  : la comédie, l’écriture chorale, la famille, les rapports sociaux ?

Nanni Moretti : “Oui, j’aime particulièrement chez Natalia Ginzburg sa façon d’alterner entre des moments douloureux et des moments comiques, sa langue très moderne, et son art nécessaire de l’écriture, cette façon d’aller toujours à l’essentiel. La simplicité n’est pas un point de départ facile mais un point d’arrivée et d’accomplissement pour elle.

Pourquoi avoir choisi ces deux pièces plus particulièrement ?

J’ai d’abord choisi Dialogo parce que c’est pour moi la comédie parfaite, avec un rythme incroyable et une grande humanité. J’ai ensuite ajouté Fragola e panna comme un défi, parce que je n’avais jamais mis en scène au théâtre et que je voulais me lancer dans un spectacle complet.

« La simplicité n’est pas un point de départ, c’est un accomplissement chez Natalia Ginzburg. Avec cette alternance de moments douloureux et de moments comiques.« 

NANNI MORETTI

Avez-vous choisi le titre Diari d’amore en clin d’oeil à votre Caro Diario ?

En partie, oui. Mais c’est avant tout un titre sarcastique vu le propos des deux comédies ! On aurait pu aussi appeler le spectacle “Amore e disamore” (“Amour et désamour”, ndlr)

Comment avez-vous découvert Natalia Ginzburg ?

J’avais d’abord lu Les Mots de la tribu, son texte le plus connu, enfant. Ce n’est que beaucoup plus tard que j’ai lu ses autres livres et essais. Comme acteur, j’avais aussi lu en version audio son roman Caro Michele.

Nanni Moretti dans son dernier film, Vers un avenir radieux.

Comment avez-vous choisi les acteurs ?

Aux répétitions, naturellement. Trois des quatre interprètes avaient travaillé avec moi sur mes deux derniers films, Tre Piani et Vers un avenir radieux. Le seul homme, Valerio Binasco, avait déjà mis en scène et joué d’autres comédies de Natalia Ginzburg.

« Je ne dirige pas différemment les acteurs. En revanche, au théâtre, la construction du personnage leur appartient. »

NANNI MORETTI

Dirigez-vous différemment les acteurs au théâtre ?

Je dirais que non. En revanche, je pense que le travail de l’acteur n’est pas le même au théâtre. La construction du personnage lui appartient, elle n’est pas fragmentée comme au cinéma. C’est un travail qui prend plus de temps, beaucoup plus approfondi.

Vous êtes une figure majeure du cinéma indépendant. Le théâtre est-il pour vous le dernier espace de liberté ? Pouvez-vous encore avoir cette même liberté au cinéma ?

J’ai connu beaucoup d’échecs mais je ne veux surtout pas me victimiser. Jusqu’à présent, j’ai toujours fait mes films avec la liberté la plus totale. Si je fais mes débuts au théâtre à 70 ans, c’est avant tout par amour des acteurs et de Natalia Ginzburg !

Comment se portent le cinéma italien et votre cinéma à Rome ?

Franchement, le cinéma italien d’aujourd’hui me semble en bonne santé. Je ne veux pas tenir de discours défaitiste. Quant à ma salle, le Nuevo Sacher, il existe, il résiste et il se défend. Et il faut continuer à le défendre !

Propos recueillis par mail et traduits de l’italien par Luc Hernandez