Pourquoi avez-vous changé le nom du spec­tacle ?

Dove Attia : Ça s’ap­pe­lait d’abord « Molière l’opéra urbain« , mais ça ne marchait pas telle­ment… On vendait peu de places. Les gens n’avaient pas envie de voir Molière l’opéra urbain. J’ai essayé de comprendre pourquoi. Avec le terme « opéra urbain« , certaines personnes croyaient qu’il s’agis­sait d’un spec­tacle de rap, d’autres au contraire trou­vaient que Molière était un sujet trop pous­sié­reux. J’ai donc repris le terme de spec­tacle musi­cal, puisque c’est un spec­tacle qui ressemble à ceux que j’ai faits, avec de grandes mélo­dies. C’est la première publique qui a décidé du sort du spec­tacle. Le bouche-à-oreille était parti.

La langue de Molière se prête bien au slam, non ? Il n’y a plus du tout de rap ?

Complè­te­ment ! Molière se prête aux rimes, au slam, avec un français que tout le monde comprend, mais élégant. On fait d’ailleurs quelques emprunts à ses pièces à l’in­té­rieur du spec­tacle, ça passe très bien sur la musique. Le slam, oui ! Mais pas forcé­ment de rap… Ce que j’ai apporté de neuf en revanche par rapport à mes anciens spec­tacles, c’est la musique non-stop. Tout est chanté de A à Z, que ce soit les dialogues ou les chan­sons, comme un opéra ! Ça donne un rythme et une moder­nité.

Molière est un fémi­niste et un socio­logue hors pair.

Dove Attia

Qu’est-ce qui vous a poussé à faire ce pari de Molière en comé­die musi­cale ?

Dove Attia : J’ai décou­vert Molière quand j’ai fait Le Roi Soleil. J’avais eu l’idée que ce soit Molière qui intro­duise le spec­tacle. Je me renseigne toujours beau­coup pour écrire mes livrets, et lorsque j’ai décou­vert sa biogra­phie, je suis tombé à la renverse. Son histoire est extra­or­di­naire en soi, en plus de la moder­nité de son œuvre. Donc je voulais racon­ter son histoire, mais je ne trou­vais pas la maniè­re…

C’est en décou­vrant les spec­tacles de Broad­way en 2018 que je me suis dit qu’une comé­die 100 % musi­cale, c’était la bonne approche. Molière vivait à l’ère du bon mot et des longs mono­logues, c’est ce que certains peuvent trou­ver un peu « pous­sié­reux » aujourd’­hui. En en faisant un festi­val musi­cal, ça chan­geait tout pour un public d’aujourd’­hui. Mais le fond est très moderne, fémi­niste avant l’heure et il reste un socio­logue hors pair. Je voulais le monter d’une façon qui ne soit pas scolaire.

Qu’a­vez-vous décou­vert de plus éton­nant dans sa vie ?

Ce qui m’a frappé, ce sont les analo­gies avec Mozart, que j’avais monté avant. Tous les deux ont cher­ché la recon­nais­sance de leur père, en vain. Tous les deux ont eu leur faille en perdant leur mère très tôt. Tous les deux ont d’abord écrit sur commande, puis ont décidé de deve­nir des auteurs libres à part entière, et tous les deux ont choqué. Mozart avec Les Noces de Figaro et Don Giovanni. Molière avec son Tartuffe pour lequel la Cour l’a lâché. Sans parler du fait qu’ils étaient tous les deux de grands amou­reux des femmes, et que Molière va épou­ser la fille de son premier amour, de vingt ans moins que lui… Ils ont tous les deux payé le prix de leur liberté.

Comment avez-vous trouvé Peti­tom pour incar­ner votre Molière ?

Peti­tom, Molière en Belmondo jeune.

Dove Attia : J’avais mon idée de Molière. Pour moi, c’était Belmondo jeune. Celui qui sait parler aux puis­sants en restant un amuseur, libre, avec de grands gestes, de l’ac­tion et de la faconde. Il me fallait quelqu’un avec une éner­gie et des grands gestes. C’est en allant au Québec que j’ai trouvé Peti­tom. Il est vrai­ment extra­or­di­naire, il sait tout faire.

Je voulais faire une comé­die 100 % musi­cale, avec de la musique non stop, même pour les dialogues.

Dove Attia

C’est une de vos marques de fabrique : faire une comé­die musi­cale à part entière, à l’amé­ri­caine, dans laquelle tout le monde chante joue et danse… Pas seule­ment un grand concert costumé comme on en voit parfois en Fran­ce…

Oui, parti­cu­liè­re­ment dans celui-ci. C’est peut-être mon meilleur spec­tacle, même Télé­rama n’a pas été méchant et Radio France a bien aimé, c’est dire… (rires) Je pense surtout que c’est la première fois qu’on suit aussi bien l’his­toire dans un de mes spec­tacles. Je dois dire la vérité, quand on faisait Les Dix Comman­de­ments, il n’y avait pas d’his­toire, c’était une suite de tableaux. Le succès était vrai­ment dû aux chan­sons [Dove Attia est aussi le compo­si­teur de ses spec­tacles, NDLR] et au casting excep­tion­nel.

Avec Le Roi Soleil, j’ai commencé à travailler un peu la drama­tur­gie. C’est en voyant la comé­die musi­cale du Roi Lion que je me suis dit qu’il était temps que je travaille le récit. Elle durait 3 heures et je ne me suis pas ennuyé une seconde. Si on est captivé par l’his­toire, tout le reste suit. Avec Molière, c’est la première fois que je travaille autant l’his­toire en continu, et surtout, elle est extra­or­di­naire ! Avec un beau message : il n’y a pas de success story sans échec.

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