Autant l’avouer d’em­blée, chez Exit Mag, on adore le travail de Louis Arène. Que ce soit avec une adap­ta­tion de Copi sous la forme d’un caba­ret queer oude créa­tions origi­nales comme Zypher Z, l’uni­vers du metteur en scène est toujours déjanté et hila­rant. Cofon­da­teur du Muns­trum théâtre, il offi­cie cette fois-ci avec la pres­ti­gieuse troupe de la Comé­die-Française. Pour­tant, on retrouve dans Le Mariage forcé de Molière (de 1664 !) toutes ses obses­sions : des person­nages mons­trueux, aux corps défor­més et aux visages empreints d’étran­geté.

Louis Arene se farcit Molière

Le Mariage forcé de Molière par la troupe de la Comé­die-Française et Louis Arene.

Louis Arene s’em­pare ici d’une pièce de Molière plutôt mécon­nue. Voici le fortuné Sgana­relle (superbe Julie Sicard) qui souhaite épou­ser la belle Dori­mène (incar­née par Chris­tian Hecq). Cette dernière se révèle fine mani­pu­la­trice et prend le vil libi­di­neux à son propre piège. Sgana­relle tente alors se faire échouer les noces par tous les moyens, contre le souhait de la famille de la mariée… Une pièce dont on devine sans mal la charge moderne avec ce person­nage de Dori­mène qui bous­cule les carcans.

Dans nos colonnes, le metteur en scène s’ex­pliquait d’ailleurs ainsi sur ce choix : « C’est une pièce modeste, en un acte, mais d’une moder­nité incroyable, fémi­niste et anti-patriar­cale avant l’heure. » Louis Arene garde en effet la moelle subver­sive, la farce et la drôle­rie du texte origi­nal de ce Mariage forcé avec une remise au goût du jour inso­lente et jubi­la­toire.

Benja­min Lavernhe et la Comé­die-Française en trans­for­mistes

Benja­min Lavernhe en philo­sophe (à droite).

Les person­nages sont affu­blés de masques qui ne couvrent que la moitié du visage. Ces protu­bé­rances, sortes de prothèses, accen­tuent les traits et les arché­types. Sgana­relle, petit souf­fre­teux avec un crâne oblong, ressemble à une sorte de gobe­lin en habits de cour. Le person­nage du philo­sophe, jouée par un Benja­min Lavernhe coincé dans les hauteurs de la rhéto­rique, arbore un crâne qui tutoie les cimes.

Le talent de Louis Arene, c’est d’ac­cor­der cette puis­sance trans­for­miste avec les faux-semblants chers au fonda­teur de l’Illustre Théâtre. Une perruque devient un chat, une prothèse mammaire se trans­forme en percus­sion. Et la comé­die-ballet imagi­née par Molière trouve ainsi un nouveau souffle. Gran­diose.


Le Mariage forcé de Molière, par la troupe de la Comé­die-Française. Mise en scène Louis Arene.  Du jeudi 4 au dimanche 14 avril à 20h (jeu 19 h 30, dim 16h) au théâtre des Céles­tins, grande salle, Lyon 2ᵉ. 1h. De 5 à 40 €.

Photos : Brigitte Engué­rand / La Comé­die-Française.

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