Qu’est-ce qui vous atti­rait chez Molière après la féro­cité jubi­la­toire de Copi ?

Louis Arene : On avait créé 40 degrés sous zéro en 2019, même si on le tourne encore aujourd’­hui. On a créé Le Mariage forcé à la Comé­die-Française en 2022 pour les 400 ans de Molière. A l’époque, j’ai tout relu et je cher­chais une pièce qui nous heurte aujourd’­hui. Eric Ruf (direc­teur de la Comé­die-Française, ndlr) m’avait laissé carte blanche. Je me suis tout de suite arrêté sur Le Mariage forcé. C’est une pièce modeste, en un acte, mais d’une moder­nité incroyable, fémi­niste et anti-patriar­cale avant l’heure. On n’a pratique­ment pas touché au texte, on a simple­ment fait quelques ajouts minimes tirés du Tiers-Livre de Rabe­lais.

Le Mariage forcé de Molière vu par Louis Arene. (photos Brigitte Engué­rand, Comé­die-Française)

Il y avait des chan­sons et du caba­ret dans 40° sous zéro. Vous ne souhai­tiez pas monter Le Mariage forcé comme la comé­die-ballet qu’elle était à sa créa­tion ?

Non, on souhai­tait garder la radi­ca­lité de la farce, la drôle­rie, l’ef­fi­ca­cité et la rapi­dité du texte de Molière. C’est ce qui est jubi­la­toire. En fait, le texte avait été ajouté à la musique pour en faire une comé­die ballet, mais on aurait été dans un tout autre contexte, celui d’un spec­tacle long et plus empesé. En revanche, on fait toujours un travail sonore sur scène, comme un paysage mental.

Vous utili­sez aussi les masques que vous construi­sez vous-mêmes et qu’on trou­vait déjà dans 40° sous zéro. Pourquoi ?

Louis Arene : Oui, c’est un peu notre “marque de fabrique”, même si je n’aime pas trop cette expres­sion. Les masques sont moins utili­sés aujourd’­hui au théâtre, donc on les remarque sans doute plus, mais pour nous, ce sont des outils drama­tur­giques comme les autres, au même titre que les décors ou les costumes. Ici, ils nous permet­taient notam­ment de jouer sur l’in­ver­sion des genres et des rapports homme-femme qui sont au cœur de la farce.

Les masques et perruques de Louis Arene.

Je pense que le théâtre est une façon de sortir des rela­tions sociales très codi­fiées.

LOUIS ARENE

On trou­vait déjà cette inver­sion au cœur de 40 degrés sous zéro, avec un écho incroyable dans le public, notam­ment le plus jeune…

Les retours qu’on a sur ce spec­tacle sont vrai­ment très impor­tants pour nous. Beau­coup de jeunes gens nous écrivent ou viennent nous voir après le spec­tacle, il y a une force de vie et une joie qui nous portent et qui nous ont permis de mieux nous rendre compte de ce qu’on voulait faire avec Lionel Lingel­ser (le co-direc­teur du Muns­trum théâtre, ndlr). On est une petite troupe, on veut vrai­ment essayer de déve­lop­per notre théâtre pour le public d’aujourd’­hui. Je pense que le théâtre est une façon de sortir des rela­tions sociales très codi­fiées et de la moro­sité ambiante. C’est pour ça qu’on a choisi cette pièce de Molière. Elle ne parais­sait pas plaquée sur les enjeux d’aujourd’­hui. Une autre ne nous aurait sans doute pas inspi­rés au point d’y consa­crer plusieurs années de notre vie… 

Quel sera alors votre prochain projet puisque vous êtes désor­mais asso­ciés au théâtre des Céles­tins ?

Louis Arene : On travaille sur une adap­ta­tion de Macbeth (inti­tu­lée Makbeth, ndlr). Mais cette fois, on s’em­pare de la pièce comme un véri­table terrain de jeu, en ques­tion­nant des problé­ma­tiques d’aujourd’­hui. A commen­cer par la place des femmes, pratique­ment absentes de la pièce ou alors pires que tout !

Retrou­ver mes anciens cama­rades de la Comé­die-Française, Benja­min Lavernhe ou Chris­tian Hecq, c’était un pur bonheur.

LOUIS ARENE
Chris­tian Hecq de costume de femme vêtu dans Le Mariage forcé.

Vous faites jouer une femme à Chris­tian Hecq dans Le Mariage forcé. C’était facile de diri­ger vos anciens collègues de la Comé­die-Française ?

Chris­tian, c’est parti­cu­lier… Je ne dirais pas que c’est facile de l’em­me­ner vers la déli­ca­tesse de jouer une femme ! (rires) Mais c’est une machine de jeu vrai­ment extra­or­di­naire, un acteur incroya­ble­ment singu­lier. On se rejoint surtout dans le rapport à l’en­fance. En revanche, ne pas jouer pour diri­ger mes anciens cama­rades de la Comé­die-Française, c’était vrai­ment un grand plai­sir et une libé­ra­tion pour moi. D‘abord parce que je suis un peu maniaque et control freak. Dès que je joue, je dois être dans le lâcher-prise et j’ai toujours peur de rater quelque chose. Heureu­se­ment avec Lionel on fait en sorte de se relayer sur scène. Pour Le Mariage forcé, retrou­ver des copains même de conser­va­toire comme Benja­min Lavernhe, c’était vrai­ment un pur bonheur ! Ils sont telle­ment tech­niques qu’ils n’ont vrai­ment pas eu peur ni des masques ni de venir dans notre univers.”

Le Mariage forcé de Molière, par la troupe de la Comé­die-Française. Mise en scène Louis Arene.  Du jeudi 4 au dimanche 14 avril à 20h (jeu 19h30, dim 16h) au théâtre des Céles­tins, grande salle, Lyon 2e. 1h. De 5 à 40 €.

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