En quoi Au cinéma ce soir est-il un hommage à vos parents ?

Jean-Marc Luisada : “Ce sont vraiment eux qui m’ont fait découvrir le cinéma très tôt, au point que j’y allais ensuite tout seul dès l’âge de 8 ou 9 ans, avant de les amener avec moi revoir un film qui m’avait particulièrement touché. Pendant le confinement, leur absence se faisait encore plus sentir pour moi, au point que j’ai décidé au bout d’un moment de ne plus me faire de peine et de concevoir ce disque devenu un récital.

La grande originalité de votre disque, c’est d’être autant cinéphile que mélomane, en faisant redécouvrir la musique classique à partir de films de Fellini, mais aussi André Delvaux ou John Huston…

Oui, j’allais vraiment tout voir, il n’y avait pas de censure, seulement le carré blanc pour les films à la télévision que je réussissais quand même à voir en me cachant dans un coin avec la complicité de mes parents. Je n’ai pas honte de dire que j’ai découvert la musique de Mahler avec Mort à Venise de Visconti qui venait de passer à Cannes…

Ma mère me racontait les films dans les lettres qu’elle m’écrivait. je pouvais donc les imaginer avant de les voir.

JEAN-MARC LUISADA

Je n’avais aucune idée de ce que j’allais voir enfant dans un cinéma d’Alès, bien avant mes études musicales. J’en suis sorti bouleversé. J’avais d’ailleurs vu Senso quelque temps auparavant, mais à la télévision, donc en noir et blanc ! C’était un autre monde… Quant à Rendez-vous à Bray d’André Delvaux sur la musique de Brahms, je l’ai d’abord découvert grâce à ma mère. Elle m’écrivait des lettres pour me raconter les films quand j’étais enfant. Je commençais donc par les imaginer avant de les voir…

Dans votre récital, vous mêlez musique et vidéo… Vous continuez d’aller voir des films aujourd’hui ?

Jean-Marc Luisada : Oui, le récital est vraiment conçu avec des vidéos créées par Julien Hancq, les droits des films n’étant pas accessibles… Sinon je dois parler beaucoup plus ! (rires) Je continue d’aller au cinéma. J’ai adoré récemment le film testament de Spielberg, The Fabelmans, dédié à ses parents, ou l’extraordinaire froideur de Tàr avec Cate Blanchett totalement possédée par son personnage. Mais j’utilise surtout les films pour enseigner à mes élèves. L’art cinématographique est beaucoup plus immédiat et direct que la musique. Quand un élève bute par exemple sur un adagio de Mozart parce qu’il est trop simple, je lui montre un film d’Ozu pour apprendre à être habité avec une grande économie de moyens. Et ça marche !

Vous avez choisi plusieurs films de Visconti ou Fellini pour votre récital. Avez-vous un goût particulier pour cette période du grand cinéma italien décadent ?

Vous m’avez cerné ! C’est vraiment le cinéma que je préfère. Mort à Venise et La Dolce Vita sont vraiment les films que j’ai le plus vus. Je peux y revenir autant de fois que je veux, comme les Préludes de Chopin ou la Passion selon Saint-Matthieu de Bach, ils sont toujours de plus en plus beaux avec le temps.”

Jean-Marc Luisada, Au cinéma ce soir. Mardi 24 octobre à 20h à l’Opéra de Lyon, Lyon 1er, dans le cadre de Piano à Lyon (1h40 avec entracte). De 10 à 52 €. Disque paru chez La Dolce Volta.