Tu reprends Pixel sur la nouvelle scène du théâtre Théo Argence, chez toi, à Saint-Priest. C’est un spec­tacle qui marquait une date pour toi ?

Mourad Merzouki : “Oui, il va fêter ses dix ans l’an­née prochaine. Je suis toujours très touché de la longé­vité qui permet la fidé­lité du public pour les spec­tacles, comme avec Réci­tal qui a tourné pendant 18 ans ! Je tiens parti­cu­liè­re­ment à Pixel parce qu’on y explo­rait pour la première fois la rela­tion entre le corps et les nouvelles tech­no­lo­gies.

Non pas pour faire des effets, la vidéo n’est ni une déco­ra­tion ni un spec­tacle qui vient écra­ser les danseurs. On l’a vrai­ment utili­sée unique­ment à travers les points pixels pour créer un nouvel espace pour la danse, avec la musique très ciné­ma­to­gra­phique d’Ar­mand Amar qui le rend encore plus univer­sel.

Pixel de Mourad Merzouki, 400eme repré­sen­ta­tion en 2021. (photo : Benoîte Fanton)

Tu reprends plusieurs spec­tacles dans la région en cette rentrée 2024 avec Pixel. Tu avais besoin d’un jubilé comme retour au pays ?

Je tourne beau­coup, on a 180 repré­sen­ta­tions cette saison avec la compa­gnie ! C’est un vrai bonheur qui m’étonne toujours. On a 12 spec­tacles en tour­née cette année. C’est ce qui me permet d’avoir un équi­libre pour pouvoir par ailleurs soute­nir la jeune créa­tion. J’ai fait 40 spec­tacles jusqu’ici. Ça me paraît iréel… J’ai toujours à coeur de retrou­ver le public lyon­nais. Sa fidé­lité me porte. Les billets pour Folia en septembre dernier s’étaient vendus en 24h. C’est très encou­ra­geant pour moi, ça me touche beau­coup.

« J’ai bon espoir de pouvoir ouvrir début 2025 mon nouveau lieu à la ferme Berliet à Saint-Priest »

MOURAD MERZOUKI

Folia avait ouvert la nouvelle salle de Théo Argence. C’est le théâtre qui pour­rait deve­nir une rési­dence, un lieu de base pour déve­lop­per tes projets ?

Mourad Merzouki : Saint-Priest, c’est chez moi, là où je suis né donc j’y tiens parti­cu­liè­re­ment. Avoir une sorte de parte­na­riat avec Théo Argence pour y présen­ter mes spec­tacles fait donc sens pour moi. Mais mon grand projet c’est l’ins­tal­la­tion de la compa­gnie Käfig à la ferme Berliet, toujours à Saint-Priest. La Région est notre premier parte­naire et l’Etat dit vouloir nous soute­nir. On cherche du mécé­nat. J’ai bon espoir de pouvoir ouvrir début 2025.

En regrou­pant aussi ton festi­val Kara­vel ?

Oui, j’ai appris à mutua­li­ser pour que mes projets soient à la hauteur de mes rêves. J’ai déve­loppé Kara­vel pendant 16 ans main­te­nant grâce aux tour­nées de mes spec­tacles pour pouvoir favo­ri­ser la diffu­sion et la visi­bi­lité de la scène émer­gente hip hop sans que ça ne coûte au contri­buable.

L’idée est d’avoir une vraie vitrine du hip hop en France avec une présence encore plus impor­tante, en gardant le souci que j’ai toujours eu : la proxi­mité, s’adres­ser à tout le monde et l’exi­gence. Ce n’est pas du free style ! Tous les artistes ne deviennent pas direc­teurs d’un lieu bien sûr, mais la danse souffre d’un manque de diffu­sion, la moyenne des spec­tacles est de 3 ou 4 repré­sen­ta­tions. On essaie d’y pallier. C’est une démarche artis­tique bien sûr, mais aussi socié­tale.

Tu n’as pas été choisi pour diri­ger la Maison de la danse. As-tu compris pourquoi ?

Non, je n’ai pas eu d’ex­pli­ca­tions. Mais c’est du passé, c’est vrai­ment derrière moi main­te­nant. Mais je reste très atten­tif à cette grande maison et à la place qu’elle prend. J’es­père qu’on pourra encore trico­ter des projets avec elle.

Folia danseur noir robe blanche Mourad Merzouki.
Folia par Mourad Merzouki.

Tu arrives à reprendre tes spec­tacles sans les retou­cher ?

Oui, surtout qu’un spec­tacle comme Pixel est parti­cu­liè­re­ment précis. J’ajuste avant tout la distri­bu­tion. Surtout 10 ans après, les danseurs ont pu chan­ger… En revanche, un spec­tacle est toujours meilleur au bout d’un certain temps, c’est comme le bon vin. Six mois après, la danse est plus juste qu’à la première.

« Je prépare Beau séjour pour les Nuits de Four­vière en juillet avec le Gotan Project. Ce sera mon premier spec­tacle sur des corps viel­lis­sants. »

MOURAD MERZOUKI

Quelle sera ta prochaine première ?

Mourad Merzouki : Le spec­tacle Beau séjour dans le cadre des Nuits de Four­vière en juillet. On le crée à Lyon dans le cadre des Olym­piades avant Paris. C’est un spec­tacle pour 15 danseurs, le plateau est grand ! Je l’ai conçu avec le groupe du Gotan Project avec qui je le suis lié d’ami­tié. Leur musique a ce sens du mélange et de la fête qui me touche. Pour moi le spec­tacle doit être rassem­bleur.

D’où vient le titre Beau séjour ?

C’est l’en­droit où se passe le bal où je fais danser des person­nages âgées, à première vue… Elles se remé­morent leur souve­nirs d’amour ou autre. C’est mon premier spec­tacle sur les corps vieillis­sants, impar­faits…

Tu danses encore ?

Je me suis blessé d’une fissure au ménisque en décembre 2022, je n’ai plus dansé depuis. Je vais juste­ment me faire opérer et j’es­père pouvoir à nouveau danser, si tout se passe bien.

« Je suis presque plus à l’aise aujourd’­hui dans le baroque que dans le hip hop ! »

MOURAD MERZOUKI

Tu vas aussi mettre en danse Les 4 Saisons de Vivaldi à l’Au­di­to­rium. Après Folia, as-tu décou­vert un lien parti­cu­lier avec la musique baroque ?

Éton­nam­ment, oui ! On m’a proposé de colla­bo­rer avec diffé­rents orchestres baroques et j’ai été gâté. Folia avec le Concert de l’Hos­tel Dieu, The Fairy Queen de Purcell avec Les Arts Floris­sants et William Chris­tie, et Les Quatre Saisons avec Julien Chau­vin et Le Concert de la loge. Je suis presque plus à l’aise aujourd’­hui avec le baroque qu’a­vec le hip hop, alors qu’au départ, je ne savais pas du tout comment abor­der ces musiques !

Je me suis rendu compte qu’elles étaient faites pour la danse. On arrive à proje­ter les mouve­ments rien qu’en les écou­tant en fermant les yeux, c’est un senti­ment assez merveilleux. La musique baroque a souvent plus de relief, de ruptures et de déliés que la musique hip hop qui peut paraître beau­coup plus plate. C’était une vraie décou­verte pour moi.”

Propos recueillis par Luc Hernan­dez

Mourad Merzouki, toujours à Saint-Priest. (photos Julie Cherki)

Les spec­tacles de Mourad Merzouki et de la compa­gnie Käfig pour la rentrée 2024 :

Pixel. Mardi 9 et mercredi 10 janvier à 20h au théâtre Théo Argence à Saint-Priest. Dès 7 ans. De 10 à 22 €. (annoncé complet)

La Couleur de la grenade. Carte Blanche à Saté Khacha­tryan et Mourad Merzouki en hommage au cinéaste Paradja­nov dans le cadre de L’Ar­mé­nie à l’hon­neur. Vendredi 19 et samedi 20 janvier à 20h30 au Tobog­gan à Décines. De 21 à 30 €.

Folia. Avec le Concert de l’Hos­tel-Dieu, direc­tion Franck-Emma­nuel Comte. Samedi 10 février à 20h à l’Opéra de Dijon. De 5,50 € à 30 €.

Phénix. Mercredi 6 et jeudi 7 mars à 20h30 à l’Atrium à Tassin-la-Demi-Lune, salle Mari­vaux. De 15 à 30 €. (annoncé complet) 

Les Quatre saisons de Vivaldi et autres oeuvres, avec le Concert de la Loge, direc­tion Julien Chau­vin, scéno­gra­phie Coline Serreau. Jeudi 21 mars à 20h à la MC2 à Grenoble. De 10 à 46 €. Jeudi 11 avril à 20h à l’Audi­to­rium, Lyon 3e. De 8 à 49 €.


Zéphyr. Samedi 18 mai à 20h à l’Opéra de Saint-Etienne, Grand théâtre Masse­net. De 10 à 43 €.

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